Azteca
le temps de se saisir de leurs arquebuses se rendirent vite
compte qu’elles étaient trop mouillées pour cracher le tonnerre et la mort, et
ceux qui étaient à l’intérieur du palais ne purent s’en servir qu’une seule
fois car la ruée de nos guerriers les empêcha de les recharger. Les Blancs et
les Texcalteca qui se trouvaient dans le bâtiment furent tous tués ou faits
prisonniers. Mais les guerriers qui combattaient à l’extérieur n’eurent pas une
victoire si facile. Après tout, les Espagnols et les Texcalteca étaient des
soldats chevronnés et courageux. Leur première surprise passée, ils
contre-attaquèrent vigoureusement. A un certain moment, un groupe d’Espagnols
se retrancha dans un coin de la place tandis qu’une rangée de leurs camarades
brandissaient leurs épées pour empêcher les nôtres de les poursuivre. Cette
retraite apparente était une ruse habile. Ceux qui avaient fui avaient emporté
des arquebuses et, pendant ce bref répit, ils avaient mis de la poudre sèche
dans leurs armes. Les arquebusiers s’avancèrent alors et tirèrent tous ensemble
sur nos guerriers qui les pourchassaient. Beaucoup des nôtres furent tués ou
blessés dans cette seule action. Mais les Espagnols n’eurent pas la possibilité
de recharger leurs armes et le combat se poursuivit entre épées de pierre et
épées de métal.
J’ignore ce qui alerta Cortés. Peut-être un cheval lâché galopant vers
lui dans les rues, ou un soldat échappé de la bataille, ou encore le grondement
des arquebuses. Le convoi avait déjà atteint la chaussée de Tlacopan avant que
Cortés se rende compte qu’il se passait quelque chose d’anormal. Il ne lui
fallut qu’un instant pour décider de ne pas laisser le trésor sur place et
d’aller d’abord le mettre à l’abri avant de retourner dans la ville. Pendant ce
temps, le fracas des arquebuses était également parvenu jusqu’aux rives proches
du lac, aussi bien dans le camp des troupes de Cortés qu’à l’endroit où
attendaient nos alliés. Cuitlahuac avait donné l’ordre à toutes les forces de
la Triple Alliance d’attendre la conque de minuit, mais elles eurent
l’intelligence d’entrer en action dès qu’elles entendirent les bruits de la
bataille. Par contre, les régiments de Cortés n’avaient reçu aucune directive
et ils ne savaient que faire. Les soldats avaient chargé les canons, mais ils
ne pouvaient pas tirer en direction de la ville où se trouvaient aussi Cortés
et leurs camarades. Aussi, je suppose que ces troupes étaient plongées dans la
plus grande indécision, écarquillant les yeux pour essayer d’apercevoir quelque
chose à travers le rideau de pluie, quand elles furent attaquées par-derrière.
Venant de toute la rive ouest du lac, les armées de la Triple Alliance
apparurent. On avait réservé les meilleurs combattants pour la bataille de
Tenochtitlán, mais il y avait encore des multitudes de valeureux guerriers sur
la terre ferme qui s’étaient rassemblés secrètement et qui tombèrent sur les
hommes de Fleur Noire stationnés autour de Coyoacán. De l’autre côté du
détroit, les Culhua attaquèrent les Totonaca installés sur le promontoire
autour d’Ixtapalapan et les Tecpanecá donnèrent l’assaut aux Texcalteca qui
campaient près de Tlacopan.
A peu près au même moment, les Espagnols assiégés dans le Cœur du Monde
Unique prirent la sage résolution de fuir. Un de leurs officiers ayant réussi à
maîtriser un cheval avait sauté dessus et s’était mis à hurler des
ordres : « Formez les rangs et suivez le chemin qu’a pris
Cortés ». Les survivants éparpillés aux quatre coins de la place
parvinrent à se regrouper en formant une masse dense et hérissée de fer. Comme
un porc-épic qui se roule en une boule de piquants et défie même les coyotes,
les Espagnols purent ainsi se soustraire aux assauts répétés des nôtres. Guidés
par le cavalier, les Blancs se dirigèrent vers l’ouverture occidentale de la
Muraille du Serpent. Pendant cette lente retraite, plusieurs d’entre eux
réussirent à s’emparer d’un cheval et, quand ils furent sur l’avenue de
Tlacopan, ces cavaliers se formèrent en arrière-garde pour protéger les hommes
qui fuyaient à pied.
Cortés dut les rencontrer tandis qu’il retournait vers le centre de la ville,
car il n’avait pas pu aller plus loin que le premier passage de la digue duquel
on avait retiré la passerelle. Il se trouva alors nez à
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