Azteca
nez avec les débris
débandés de son armée, dégoulinant de sang et de pluie, jurant, gémissant et
fuyant tandis que derrière eux éclataient les cris de guerre de leurs
poursuivants qui essayaient de franchir la barrière des cavaliers.
Je connais assez Cortés pour être sûr qu’il ne perdit pas de temps à
demander des explications détaillées. Il dut donner l’ordre à ses hommes de
rester à l’endroit où la chaussée rejoignait l’île pour retenir l’ennemi le
plus longtemps possible et il repartit lui-même au grand galop sur la digue
pour aller prévenir Narvaez et Alvarado. Il leur cria de jeter tous les trésors
dans le lac et de lancer les traîneaux par-dessus la brèche pour former un
pont. J’imagine la tempête de protestations que dut soulever cet ordre, mais
j’imagine aussi que Cortés imposa le silence en disant : « Il faut le
faire, sinon nous serons tous massacrés. »
Ils obéirent donc, non sans avoir bourré leurs poches et leurs sacs de
tous les objets qu’ils avaient pu prendre et le gros du trésor disparut dans
les eaux. Ensuite, les soldats posèrent les traîneaux déchargés sur la brèche
de la chaussée. Pendant ce temps, le reste de l’armée arrivait de la ville,
poursuivie par nos guerriers ; quand tous les Espagnols eurent franchi ce
pont de fortune, ils retirèrent aussitôt les planches, mais nos combattants
étaient de bons nageurs et ils étaient presque nus. Ils sautèrent à l’eau pour
franchir le passage et grimpèrent de l’autre côté, à l’endroit où étaient les
Espagnols. Au même moment, une pluie de flèches s’abattit sur eux des deux
côtés. Cuitlahuac avait pensé à tout. Des canots remplis d’archers
convergeaient de toutes parts vers la digue et Cortés n’avait pas d’autre
possibilité que de faire retraite en combattant. Etant donné que les chevaux
constituaient les cibles les plus importantes et les plus vulnérables, il
ordonna à certains de ses cavaliers de les forcer à sauter à l’eau et de
s’accrocher à eux pour arriver jusqu’à la terre ferme. Malintzin sauta avec les
autres et se fit ainsi tirer jusqu’à la rive par un cheval.
Ensuite, les Espagnols firent de leur mieux pour effectuer une retraite
dans l’ordre. Leurs archers tiraient au hasard dans la nuit de chaque côté de
la digue, dans l’espoir d’atteindre les attaquants sur les canots. D’autres
Espagnols tiraient le traîneau qui leur restait en reculant devant nos
guerriers de plus en plus nombreux qui avaient réussi à franchir la brèche. Il
restait aux Espagnols encore deux passages à traverser avant d’arriver sur la
terre ferme à Tlacopan. Le second traîneau leur servit à enjamber le premier,
mais ils durent ensuite l’abandonner sur place car leurs poursuivants avaient
également réussi à passer dessus. Quand ils atteignirent la brèche suivante,
les Blancs reculèrent en combattant jusqu’au moment où ils basculèrent dans le
lac. Cependant, si près du rivage, les eaux étaient si peu profondes que même
des hommes ne sachant pas nager pouvaient parvenir à la terre en faisant une
série de bonds pour garder la tête hors de l’eau. Mais les Espagnols avaient de
lourdes armures et beaucoup d’entre eux étaient chargés par les objets en or
qu’ils avaient pris, aussi ils eurent beaucoup de mal à se maintenir à la
surface. Cortés et plusieurs de ses compagnons n’hésitèrent pas à marcher sur
eux pour tenter de franchir le dernier passage. Par conséquent, nombreux furent
ceux qui s’enfoncèrent dans la vase profonde du lac après avoir servi de pont
humain à leurs camarades.
Un seul d’entre eux avait effectué la traversée sans s’affoler, avec un
tel brio que nos guerriers parlent encore aujourd’hui du « saut de
Tonatiuh ». Quand Pedro de Alvarado arriva au bord du trou, il tourna le
dos aux poursuivants et plongeant son épée dans la masse des hommes qui étaient
en train de se noyer, il accomplit un bond prodigieux. Malgré sa lourde armure,
ses blessures et sa fatigue, il exécuta un véritable saut à la perche qui le
propulsa de l’autre côté de la brèche et lui sauva la vie.
Les poursuivants s’arrêtèrent là. Ils avaient chassé tous les étrangers
de Tenochtitlán et ils pensaient que les survivants seraient tués ou capturés
sur le territoire de Tlacopan. Ils retournèrent sur la chaussée où les bateliers
étaient déjà en train de réinstaller les passerelles et ils
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