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Azteca

Azteca

Titel: Azteca Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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habituelle,
Pactli se tourna vers moi, directement. « Je suis venu te demander ton
aide, jeune Taupe. » Il me tendit une bande de papier plié et me dit sur
un ton de camaraderie : « On m’a dit que tu étudies surtout l’art des
mots, aussi je voudrais avoir ton avis sur ce que j’ai fait, avant de rentrer à
l’école et de le soumettre aux critiques du Seigneur Professeur. » Tandis
qu’il me parlait, son regard dériva vers ma sœur. Seigneur Joie devait souffrir
de devoir me prendre pour excuse pour venir chez nous, avant que minuit ne vienne
rendre cette visite impossible.
    Je savais bien que Pactli se souciait comme d’une guigne de mon opinion
– il s’était mis à lorgner carrément vers ma sœur. Je feuilletai le cahier et
dis d’un air ennuyé : « Dans quel sens faut-il lire ça ? »
    Tout le monde fut saisi par le ton de ma voix et Pactli rougit comme si
je l’avais frappé. Son regard flamba et il murmura entre ses dents :
« De gauche à droite, Taupe, tu le sais très bien.
    — En général, c’est bien de gauche à droite, mais pas toujours,
répondis-je. La règle la plus élémentaire de l’écriture, que tu sembles ne pas
avoir comprise, c’est que la majorité des caractères doivent faire face au sens
de la lecture. »
    La richesse de mes vêtements, le fait que j’arrivais d’une cour bien
plus raffinée que celle de Pactli et que j’étais le point de mire de tout le
monde m’avaient donné une assurance inhabituelle, car sinon je n’aurais jamais
osé bafouer de la sorte les conventions sociales. Sans me soucier de regarder
plus avant le cahier, je le repliai et le lui rendis.
    Votre Excellence a-t-elle remarqué que la même émotion provoque des
couleurs différentes selon les individus. Le visage de Pactli était devenu
pourpre, celui de ma mère, blanc. Tzitzi avait passé sa main devant sa bouche
sous l’effet de la surprise, puis elle s’était mise à rire ainsi que Chimali et
Tlatli. Pactli tourna vers eux son regard menaçant, puis sur l’assemblée tout
entière qui, dans son ensemble, aurait bien voulu prendre encore une autre
couleur : la couleur invisible de l’air impalpable. Rendu muet par la
fureur, le Seigneur Joie écrasa le papier dans sa main et quitta la pièce en
bousculant ceux qui ne s’écartaient pas assez vite.
    Tous s’en allèrent, comme s’ils avaient voulu se désolidariser de moi.
Ils donnèrent comme excuse que leurs maisons étaient éloignées et qu’il fallait
qu’ils se dépêchent avant la nuit, ou qu’ils devaient s’assurer qu’ils
n’avaient laissé aucune braise dans le foyer. Pendant ce temps, Chimali et
Tlatli me prodiguaient des sourires d’encouragement. Tzitzi me prenait la main,
mon père semblait paralysé et ma mère avait un air glacé. Cependant tous les
invités n’étaient pas partis. Certains avaient assez de caractère pour ne pas
s’émouvoir de la rébellion dont j’avais fait preuve juste à la veille des jours
sans vie.
    Pendant ces cinq jours, agir était considéré comme une imprudence qui
ne pouvait apporter que des déboires. Ces journées n’étaient pas de vraies
journées, mais un espace inévitable entre Izcalli, le dernier mois de l’année,
et Quiauitl eua qui était le premier de l’année suivante. Elles n’avaient pas
d’existence propre. Aussi, tout le monde essayait de se faire le plus petit
possible. A ce moment, les dieux sommeillaient et paressaient, le soleil
lui-même était pâle et bas. Aucune personne de bon sens n’aurait fait quoi que
ce soit qui aurait pu tirer les dieux de leur léthargie et provoquer leur
courroux.
    C’est pourquoi, pendant les nemontemi, tout travail s’arrêtait. Toutes
les activités étaient suspendues, sauf les tâches inévitables. On éteignait
tous les feux et toutes les lumières. On ne faisait pas de cuisine et on ne
mangeait que des repas froids. Les gens ne se déplaçaient pas et ils ne se
réunissaient pas. Les époux s’abstenaient de tout rapport sexuel – de même qu’à
une époque bien précise avant les nemontemi, car un enfant né pendant les jours
sans vie survivait rarement. Sur tout le territoire, on restait à la maison, à
faire des petits travaux, comme l’affûtage des outils et le raccommodage des
filets, ou simplement à bayer aux corneilles.
    Etant donné le caractère néfaste de ces cinq jours, il était naturel
que les gens réunis chez nous ce jour-là parlent de mauvais sorts et

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