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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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toits et les
blocs de cheminées, au milieu des flammes vacillantes, semblèrent
trembler et chanceler comme un homme ivre… quand des milliers
d'objets qu'on n'avait jamais vus jusqu'alors vinrent s'étaler à la
vue, et que les choses les plus familières prirent un aspect tout
nouveau… alors la populace commença à faire chorus avec le
tourbillon enflammé, et à pousser des cris, des clameurs, des
vociférations comme heureusement il est rare d'en entendre,
s'agitant en même temps pour entretenir le feu et le tenir en
haleine, afin de ne pas le laisser décroître.
    Quoique la chaleur fût si intense que le
badigeon des maisons en face de la prison grillait et se
craquelait, formant ça et là des boursouflures, comme des pustules
à la peau du patient tenu sur le gril par le bourreau, et finissait
par crever et tomber en miettes : quoique les carreaux
tombassent en éclats des croisées, et que le plomb et le fer sur
les toits dépouillassent la main imprudente qui venait à s'y
frotter par hasard ; que les moineaux sortissent de leurs
trous pour prendre leur vol sur les gouttières, et qu'étourdis par
la fumée, ils tombassent tremblants jusque sur le bûcher
embrasé ; le feu n'en était pas moins activé sans relâche par
des mains infatigables, et l'on voyait tout autour des ombres aller
et venir sans cesse. Jamais ils ne se ralentissaient dans leur
zèle, jamais ils ne se retiraient à l'écart ; au contraire,
ils serraient la flamme de si près que les spectateurs du premier
rang avaient fort à faire pour que les chauffeurs, dans leur
ardeur, ne les jetassent pas dedans, par la même occasion. Si un
homme s'évanouissait ou se laissait choir, il y en avait une
douzaine qui se disputaient sa place, et cela, quoiqu'ils sussent
bien que c'était un poste de torture, de soif, de fatigue
insupportables. Ceux qui tombaient évanouis, et qui avaient le
bonheur de ne pas être écrasés sous les pieds ou brûlés par la
flamme, étaient emportés dans une cour d'auberge tout près de là,
pour y recevoir une douche à la pompe. On se passait de mains en
mains de pleins baquets d'eau dans la foule ; mais la soif
était si ardente et si générale, l'empressement si grand à qui
boirait le premier, que, le plus souvent, tout le contenu en était
renversé par terre, sans que pas un eût pu seulement humecter ses
lèvres.
    Cependant, au milieu des cris et du vacarme,
ceux qui étaient le plus près du bûcher continuaient de rejeter
dans le tas les fragments embrasés qui venaient à rouler en bas, et
poussaient les charbons ardents contre la porte, qui, malgré ce
linceul de flammes, n'en restait pas moins fermée et barricadée,
sans leur ouvrir de passage. On passait, par-dessus la tête des
gens, de gros tisons à ceux qui se tenaient au pied des échelles,
tout prêts à grimper jusqu'au dernier échelon, pour les tenir d'une
main contre le mur de la prison, déployant tout ce qu'ils avaient
d'habileté et de force pour lancer ces brandons sur le toit, ou les
jeter en bas dans les cours intérieures. Souvent ils en venaient à
bout, et c’était alors un redoublement d'horreur dans cette scène
effroyable : car les prisonniers enfermés là-dedans, voyant, à
travers leurs barreaux, le feu prendre dans plusieurs endroits et
s'approcher menaçant, pendant qu'ils étaient là sous clef pour la
nuit, commençaient à s'apercevoir qu'ils étaient en danger de
brûler vifs. Cette crainte horrible, se répandant de cellule en
cellule, leur arrachait des cris et des lamentations
épouvantables ; ils appelaient au secours avec des cris si
affreux, que la prison tout entière retentissait de leurs
plaintes ; on entendait leurs clameurs dominer les hurlements
de la populace et le mugissement des flammes : c'était un
tumulte d'agonie et de désespoir à faire trembler les plus
hardis.
    Ce qu'il y a de remarquable, c'est que ces
cris commencèrent par le côté de la prison qui faisait face à
Newgate-Street, où tout le monde savait qu'étaient renfermés les
hommes condamnés à être exécutés le mardi suivant. Et non seulement
ces quatre criminels, qui avaient si peu de temps à vivre, furent
les premiers à prendre l'alarme, en se voyant menacés de brûler
vifs, mais ce furent aussi, du commencement jusqu'à la fin, les
plus importuns de tous : car on les entendait distinctement,
malgré la solide épaisseur des murailles, crier que le vent donnait
de leur côté et que les flammes allaient

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