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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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minuit.

Chapitre 25
     
    Quand les ténèbres commencèrent à faire place
au jour, la ville avait un aspect étrange.
    C'est à peine si personne avait songé à se
coucher de toute la nuit. L'inquiétude générale était si visible
sur les visages des habitants, avec une expression si altérée par
le défaut de sommeil (car tous ceux qui avaient quelque chose à
perdre étaient restés sur pied depuis le lundi), qu'un étranger qui
serait tombé dans les rues, sans rien savoir, aurait pu croire
qu'il y avait quelque peste ou quelque épidémie qui désolait la
ville. Au lieu de l'animation qui égaye d'habitude le matin, tout
était mort et silencieux. Les boutiques restaient fermées, les
bureaux et les magasins étaient clos, les stations de fiacres et de
chaises à porteurs étaient désertes ; pas une charrette, pas
un wagon qui réveillât de ses cahots les rues paresseuses ;
les cris des marchands ne se faisaient pas entendre ; partout
régnait un silence morne. Un grand nombre de gens étaient dehors
dès avant le point du jour ; mais ils glissaient plutôt qu'ils
ne marchaient, comme s'ils avaient peur du bruit même de leurs
pas : on aurait dit que la voie publique était plutôt hantée
par des revenants que fréquentée par la population, et on voyait,
autour des ruines fumantes, des ombres muettes écartées les unes
des autres, qui n'osaient pas se risquer à blâmer les perturbateurs
ou à en avoir seulement l'air par leurs chuchotements.
    Chez le lord président à Piccadilly, dans le
palais Lambeth, chez le lord chancelier dans Grent-Ormond-Street, à
la Bourse, à la Banque, à Guildhall, dans les
Inns
de la
Cour, dans les salles de justice, dans chaque chambre ayant sa
façade sur les rues des environs de Westminster et du Parlement, il
y avait des détachements de soldats, postés là avant le jour. Un
corps de Horse-Guards était en parade devant Palace-Yard. On avait
formé dans le Park un camp où quinze cents hommes et cinq
bataillons de la milice étaient sous les armes ; la Tour était
fortifiée, les ponts-levis étaient dressés, les canons chargés et
pointés, avec deux régiments d'artillerie occupés à renforcer la
forteresse et à la mettre en état de défense. Un fort détachement
de soldats stationnait sur le qui-vive à New-River-Head, que le
peuple avait menacé d'attaquer, et où l'on disait qu'ils avaient
l'intention de couper les conduits, afin qu'il n'y eût pas d'eau
pour éteindre les flammes. Dans le marché à la volaille, à
Corn-Hill, sur plusieurs autres points principaux, on avait tendu à
travers les rues des chaînes de fer ; des escouades avaient
été distribuées dans quelques vieilles églises de la Cité, pendant
qu'il faisait encore nuit, ainsi que dans un certain nombre de
maisons particulières, comme celle de lord Buckingham à
Grosvenor-Square : on les avait barricadées comme pour y
soutenir un siège, avec des canons pointés aux fenêtres. Le soleil,
en se levant, éclaira des appartements somptueux remplis d'hommes
armés ; les meubles mis en tas dans les coins, à la hâte et
sans précaution, au milieu de la terreur du moment ; les armes
qui brillaient dans les chambres de la Cité au milieu des pupitres,
des tabourets, des livres poudreux ; les petits cimetières
enfumés dans les ruelles tortueuses et les rues de traverse, avec
des soldats étendus parmi les tombes, ou flânant à l'ombre de
quelque vieil arbre, et leurs fusils en faisceau étincelant au
jour ; les sentinelles solitaires se promenant de long en
large dans les cours de la Cité, maintenant silencieuses, mais hier
encore animées par le bruit et le mouvement des affaires ;
enfin partout des postes militaires, des garnisons, des préparatifs
menaçants.
    À mesure que le jour faisait fuir l'ombre, on
voyait dans les rues des spectacles encore plus inaccoutumés. Les
portes du Banc du roi et des prisons de Fleet, quand on vint les
ouvrir à l'heure ordinaire, se trouvèrent placardées d'avis
annonçant que les émeutiers reviendraient cette nuit pour les
réduire en cendres. Les directeurs, sachant qu'ils ne tiendraient
que trop bien, selon toute apparence, leur parole, ne demandaient
pas mieux que de lâcher leurs prisonniers et de leur permettre de
déménager. De sorte que, tout le long du jour, ceux qui avaient
quelques meubles s'occupèrent à les emporter, les uns ici, les
autres là, la plupart chez des revendeurs, pour en tirer le plus
d'argent qu'ils

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