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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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libre, sur ses pieds, et qu'il se fut
abandonné au transport de joie que lui causait cette vue, il se mit
à l'ouvrage pour son propre compte, et bientôt ses chaînes tombant
avec fracas laissèrent ses membres souples et dégagés.
    Quand cette tâche fut achevée, ils se
glissèrent ensemble furtivement, passèrent devant des groupes de
gens rassemblés autour de quelque misérable, accroupi devant eux,
pour le cacher aux yeux des passants mais sans pouvoir empêcher
qu'on entendit retentir le bruit des marteaux, qui annonçaient
assez haut qu'ils étaient aussi occupés de la même besogne. Les
deux fugitifs se dirigèrent du côté de Clerkenwell, puis de là
gagnèrent Islington, comme la sortie de Londres la plus voisine, et
se trouvèrent en un moment dans les champs. Après avoir erré
longtemps, ils trouvèrent dans un pâturage, près de Finchley, un
misérable hangar dont les murs étaient de pisé et le toit de
broussailles et de bruyère ; c'était un abri destiné aux
bestiaux, mais il était désert pour l'instant. C'est là qu'ils se
couchèrent pour y passer la nuit. Ils errèrent encore de tout côté,
quand le jour fut venu, et Barnabé alla seul une fois vers un petit
hameau à deux ou trois milles de là, pour y acheter du pain et du
lait. Mais n'ayant pas trouvé de meilleur lieu de retraite, ils
revinrent au même endroit, et s'y couchèrent encore en attendant la
nuit.
    Il n'y a que Dieu qui puisse dire avec quelle
vague idée de devoir et d'affection, avec quelle étrange
inspiration de la nature, aussi claire pour lui que pour un homme
qui aurait eu l'intelligence la plus radieuse et les facultés les
plus développées ; avec quelle obscure souvenance des enfants
dont il partageait les jeux quand il était enfant lui-même, et qui
lui parlaient toujours de leur père, de leur amour pour lui, de son
amour pour eux ; par quelles associations de souvenirs obscurs
de la douleur, des larmes et du veuvage de sa mère, il soignait cet
homme et veillait tendrement sur lui. Mais si vagues, si confuses
que fussent ces idées qui étaient venues l'émouvoir par degrés,
c'est à elles qu'il devait le chagrin qu'il montrait en regardant
son visage égaré, les larmes qui inondaient ses yeux en se baissant
pour l'embrasser, le soin avec lequel il l'éveillait tout content
au milieu de ses pleurs, l'abritant du soleil, l'éventant avec des
branchages, la calmant dans les sursauts de son sommeil… Ah !
quel sommeil agité !… et se demandant si elle, elle ne
voudrait pas bientôt les rejoindre, pour que leur bonheur fût
complet. Il resta assis près de lui tout le jour, l'oreille au
guet, pour écouter le pas de sa mère à chaque souffle de l'air,
cherchant au loin son ombre sur les herbes mollement balancées par
le vent, tressant les fleurs des haies pour qu'elle en eût le
plaisir quand elle arriverait, et lui aussi quand il
s'éveillerait ; enfin se baissant de temps en temps pour
écouter les murmures des rêves de son père, et pour s'étonner qu'il
ne goûtât pas un meilleur repos dans un lieu si tranquille.
    Le soleil disparut, la nuit vint et le trouva
aussi paisible, tout entier à ces pensées, comme s'il n'y avait
qu'eux au monde, et que le lourd nuage de fumée qu'on voyait de
loin suspendu sur l'immense cité ne recelât ni vices, ni crimes, ni
vie, ni mort, ni aucun sujet d'inquiétude… comme si c'était
seulement le vide de l'air.
    Mais l'heure était enfin venue où il fallait
qu'il allât seul chercher l'aveugle (quel bonheur pour lui !)
et le ramener là, en prenant grand soin qu'on ne l'épiât et qu'on
ne le suivît en chemin. Il écouta bien les instructions qu'il
devait observer, les répéta souvent pour être sûr de les retenir,
et, après être revenu deux ou trois fois sur ses pas pour faire une
surprise à son père, en riant à cœur joie, il finit par partir
sérieusement pour accomplir sa commission, en lui recommandant
d'avoir soin de Grip, qu'il n'avait pas oublié d'emporter de la
prison dans ses bras.
    Agile et impatient de revenir, il ne fut pas
long à gagner la ville ; cependant, quand il arriva, les
incendies étaient déjà allumés et insultaient aux ténèbres de la
nuit avec leur éclat affreux. À son entrée dans la ville, peut-être
ce changement venait-il de ce qu'il n'avait plus là près de lui ses
anciens compagnons, et qu'il n'était point chargé d'une commission
violente ; peut-être aussi cela venait-il de la beauté de la
solitude,

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