Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
Vom Netzwerk:
et que
Mlle Miggs se serait retirée tout exprès ; qu'alors on
vous bâillonnerait Dolly, qu'on l'entortillerait bien dans un
manteau, et qu'on l'emporterait dans quelque voiture qui
l'attendrait pour l'emmener sur le bord de la rivière ; qu'il
y avait là toute sorte de facilités pour la faire transporter en
contrebande dans quelque petite embarcation, gentiment et sans
qu'on fit de questions. Quant aux frais de cet enlèvement, il
croyait bien, à vue de nez, qu'il ne faudrait pas, pour les
couvrir, plus de deux ou trois théières ou cafetières d'argent,
avec un petit pourboire supplémentaire, comme un plat à muffins ou
un porte-rôtie ; que, comme les émeutiers avaient enterré
diverses pièces d'argenterie dans différents endroits de Londres,
et, en particulier, à sa connaissance, dans Saint-James Square, qui
était facile d'accès, peu fréquenté à la tombée de la nuit, et qui
avait au milieu de la place une pièce d'eau bien commode, les fonds
nécessaires étaient faciles à se procurer, et qu'on pourrait en
disposer au premier moment, quand on en aurait besoin. Le
ravisseur, d'ailleurs, ne serait tenu qu'à une chose, à l'emmener
et à la garder au loin. On laisserait entièrement à sa discrétion
le soin d'arranger et de régler tout le reste.
    Si Mlle Miggs n'avait pas été sourde,
point de doute qu'elle n'eût été grandement choquée par
l'indélicatesse d'une pareille proposition. Une jeune femme s'en
aller avec un étranger, la nuit ! car la moralité de Miggs,
nous l'avons déjà dit, était des plus chatouilleuses et se serait
révoltée sur-le-champ. Mais, comme elle le dit elle-même à
M. Dennis, quand il eut fini de parler, il avait perdu son
temps ; elle n'avait rien entendu. Tout ce qu'elle pouvait
dire (toujours ses doigts dans les oreilles), c'est qu'il n'y avait
qu'une sévère leçon pratique qui pût sauver la fille du serrurier
de son entière ruine, et qu'elle se croyait moralement obligée, ne
fût-ce que pour remplir un devoir sacré envers la famille, de
souhaiter que quelqu'un voulût bien se donner la peine
d'entreprendre de la réformer. Mlle Miggs remarqua, et avec
beaucoup de sens, comme une idée fortuite qui venait de lui passer
par la tête, qu'elle ne craignait pas de dire que le serrurier et
sa femme feraient bien entendre quelques murmures et quelques
regrets, s'ils venaient, par un enlèvement ou autrement, à perdre
leur enfant ; mais qu'il était bien rare que nous pussions
savoir nous-mêmes ce qu'il nous faut dans ce monde, notre nature
étant trop peccative et trop imparfaite pour que la plupart d'entre
nous en vinssent à bien comprendre leurs véritables intérêts.
    Après cette conclusion satisfaisante de leur
entretien, ils se séparèrent : Dennis, pour aviser à
l'exécution de ses desseins, et faire une petite promenade dans sa
ferme ; Mlle Miggs pour se lancer, quand il l'eut
quittée, dans une telle explosion d'angoisse morale (qu'elle
attribua, dans son récit à ces dames, à certains propos scabreux
qu'il avait eu l'audace et la présomption de lui tenir), que le
petit cœur de la triste Dolly en fut tout attendri. Aussi, la
pauvrette en dit tant, en fit tant pour apaiser la sensibilité
outragée de Mlle Miggs, et, pendant tout ce temps-là, elle
paraissait si jolie, que si sa jeune chambrière n'avait pas eu,
pour se consoler de son dépit furieux, la connaissance du complot
qui se brassait contre elle, elle lui aurait sauté aux yeux à
l'instant pour lui égratigner la figure.

Chapitre 29
     
    Toute la journée du lendemain, Emma Haredale,
Dolly et Miggs restèrent claquemurées ensemble dans cette prison où
elles avaient déjà passé tant de jours, sans voir personne, sans
entendre d'autre voix que les murmures d'une conversation chuchotée
dans une chambre voisine entre les hommes chargés de les
surveiller. Il paraissait y en avoir un plus grand nombre depuis
quelque temps, et on n'entendait plus du tout les voix de femmes
qu'elles avaient pu clairement distinguer d'abord. Il semblait
aussi qu'il régnât parmi eux un peu plus d'agitation, car ils
étaient toujours à entrer et à sortir avec mystère, et ne faisaient
que questionner les nouveaux arrivants. Ils avaient commencé par ne
point se gêner le moins du monde dans leur conduite : ce
n'était que tapage, querelles entre eux, batailles, danses et
chansons. À présent, ils étaient réservés et silencieux, ne
causaient plus qu'à demi-voix, entraient ou

Weitere Kostenlose Bücher