Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
Vom Netzwerk:
yeux du dénoûment. Il n'y avait que le témoignage
de ses sens qui pût satisfaire cette soif ardente de vengeance qui
le tenait en haleine depuis tant d'années. Le serrurier le savait,
et, quand les cloches eurent cessé leur carillon, il courut à sa
rencontre.
    « Quant à ces deux hommes, lui dit-il en
arrivant, je ne peux plus rien faire. Que le ciel ait pitié
d'eux !… Hélas ! je ne peux rien faire pour eux ni pour
d'autres. Mary Rudge aura un gîte, et elle est assurée d'un ami
fidèle qu'elle retrouvera au besoin. Mais Barnabé… le pauvre
Barnabé… le bon Barnabé… quel service puis-je lui rendre ? Il
y a bien des hommes dans leur bon sens, Dieu me pardonne !
cria l'honnête serrurier en s'arrêtant dans une cour étroite qu'ils
traversaient, pour passer sa main sur ses yeux humides, que je me
résignerais plus facilement à perdre que Barnabé. Nous avons
toujours été bons amis ; mais je ne savais pas, non je n'ai
jamais su jusqu'à ce jour combien j'aimais ce garçon-là. »
    Il n'y avait pas grand monde dans la ville qui
pensât à Barnabé ce jour-là, si ce n'est comme à l'acteur principal
du spectacle qu'on allait donner au peuple le lendemain. Mais,
quand toute la population y aurait songé, pour souhaiter de voir
épargner sa vie, il n'y en avait pas un parmi eux qui l'eût fait
avec un zèle plus pur, ni avec une plus grande sincérité de cœur
que la bon serrurier.
    Barnabé devait mourir. Il n'y avait plus
d'espérance. Ce n'est pas le moindre des maux qui résultent de
cette punition suprême et terrible, la peine de mort, qu'elle
endurait les cours de ceux qui ont affaire à elle, et fait des
hommes les plus aimables d'ailleurs, les êtres les plus
indifférents à la grande responsabilité qui pèse sur eux :
souvent même ils ne s'en doutent pas. On avait prononcé la sentence
qui condamnait à mort Barnabé. On la prononçait, tous les mois,
pour des crimes plus légers. C'était une chose si ordinaire, qu'il
y avait bien peu de personnes que cet arrêt épouvantable fit
tressaillir, ou qui se donnassent la peine d'en discuter la
légitimité. Cette fois encore, cette fois surtout, où la Loi avait
été outragée d'une manière si flagrante, il fallait assurer,
disait-on, « la dignité de la Loi. » Le symbole de sa
dignité, gravé à chaque page du Code criminel, c'était la potence,
et Barnabé devait mourir.
    On avait essayé de le sauver. Le serrurier
avait porté pétitions sur pétitions, mémoires sur mémoires, de ses
propres mains à la source des grâces. Mais la source des grâces
n'était pas, comme dans la Bible, la fontaine de miséricorde, et
Barnabé devait mourir.
    Depuis le commencement, sa mère ne l'avait pas
quitté un moment, excepté la nuit ; et, en la trouvant à ses
côtés, il était content comme toujours. Ce jour-là, qui devait être
le dernier pour lui, il fut plus animé et plus fier qu'il ne
l'avait encore été ; et, quand elle laissa tomber de ses mains
le saint livre qu'elle venait de lui lire tout haut, pour lui
sauter au cou, il s'arrêta dans le soin empressé qu'il prenait de
rouler un morceau de crêpe autour de son chapeau, tout surpris des
angoisses de sa mère. Grip proféra un faible croassement, moitié
encouragement, à ce qu'on pouvait croire, moitié remontrance ;
mais il n'eut pas le cœur d'aller plus loin, et retomba brusquement
dans un profond silence.
    Pendant qu'ils étaient là sur le bord de ce
grand golfe, au delà duquel personne ne peut voir l'Océan, le
Temps, qui allait bientôt lui-même se perdre dans le vaste abîme de
l’Éternité, roulait avec eux comme un puissant fleuve qui enfle et
précipite son cours à mesure qu'il approche de la mer. C'est à
peine si le matin était arrivé, ils étaient restés assis à causer
ensemble comme dans un rêve, et déjà venait le soir. L'heure
redoutable de la séparation, qui, hier encore, semblait si
éloignée, allait sonner.
    Ils marchaient ensemble dans la cour des
condamnés, sans se quitter l'un l'autre, mais sans parler. Barnabé
trouvait que la prison était un séjour pénible, lugubre, misérable,
et espérait le lendemain comme un libérateur qui allait l'arracher
à ce lieu de tristesse pour le conduire vers un lieu de lumière et
de splendeur. Il avait une idée vague qu'on s'attendait à le voir
se conduire en brave… qu'il était un homme d'importance, et que les
geôliers seraient trop contents de le surprendre à verser des
larmes. À

Weitere Kostenlose Bücher