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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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heureuse de penser et de reconnaître que c’en
est un. Je ne voudrais pas pour tout au monde me sentir moins
humiliée… Oh non ! je ne voudrais pas avoir perdu le souvenir
de ce dernier soir où nous nous sommes entretenus ici même… non,
non, quand même je pourrais effacer le passé de ma mémoire, et
qu'il dépendrait de moi que ce fût hier seulement que notre
séparation eût eu lieu. »
    Jamais vous n'avez vu regard d'amoureux comme
celui de Joe en ce moment.
    « Cher Joe, dit Dolly, je vous ai
toujours aimé… oui, dans le fond du cœur je vous aimais toujours,
malgré ma vanité et mes étourderies. J'avais espéré que vous
reviendriez ce soir-là. Je m'étais figuré que vous n'y manqueriez
pas. J'en ai fait au ciel la prière à deux genoux. Et dans tout le
cours de ces longues, longues années que vous avez passées loin de
moi, jamais je n'ai cessé de penser à vous, et d'espérer qu'enfin
nous aurions un jour le bonheur d'être réunis. »
    L'éloquence du bras de Joe surpassa toute
celle du langage le plus passionné ; et celle de ses lèvres,
donc !… Et cependant, avec tout cela, il ne disait pas un
mot.
    « Et maintenant enfin, cria Dolly toute
palpitante de l'ardeur qu'elle mettait dans ses paroles, quand vous
seriez malade, estropié de tous vos membres, valétudinaire,
infirme, morose ; quand même, au lieu d'être ce que vous êtes,
vous ne seriez aux yeux de tout le monde, non pas aux miens, qu'un
débris, qu'une ruine, plutôt qu'un homme, je n'en serais pas moins
votre femme, votre bonne amie, avec plus d'orgueil et de joie que
si vous étiez le lord le plus magnifique de toute l'Angleterre.
    – Qu'ai-je fait, s'écria Joe à son tour,
qu'ai-je donc fait pour obtenir une telle récompense ?
    – Vous m'avez appris, dit Dolly, levant
vers lui sa jolie figure, à me connaître et à vous apprécier ;
à valoir un peu mieux que je ne valais ; à mieux me rendre
digne de votre brave et virile nature. Plus tard, cher Joe, vous
verrez avec le temps que vous m'avez appris tout cela : car je
veux être, non seulement à présent que nous sommes jeunes et pleins
d'espérance, mais encore quand nous serons devenus vieux et cassés,
je veux être votre douce, votre patiente, votre infatigable petite
femme. Je ne veux plus avoir de pensée ni de soin que pour notre
ménage et pour vous ; je veux m'étudier sans cesse à vous
plaire par le témoignage constant de ma plus vive affection et de
mon amour le plus dévoué. Je le veux, oh oui, je le
veux ! »
    Joe ne put que répéter ses premiers mouvements
d'éloquence, mais… c'était bien tout ce qu'il pouvait faire de
mieux approprié à la circonstance.
    « Ils le savent à la maison ; dit
Dolly. Pour vous suivre, je les quitterais, s'il le fallait ;
mais je n'en ai pas besoin ; ils savent tout, et ils en sont
charmés ; ils sont aussi fiers de vous que moi-même, et aussi
pleins de reconnaissance…Ne viendrez-vous pas me voir, comme un
pauvre cher ami qui m'a connue, quand j'étais petite fille ?
n'est-ce pas que vous viendrez, cher Joe ? »
    C'est bon ! c'est bon ! ne vous
inquiétez pas de ce que Joe dit en réponse : il en dit bien
long, à coup sûr. Et Dolly ne fut pas en reste. Et il pressa Dolly
dans son bras, qui la serrait joliment, pour un bras seul. Et Dolly
ne fit pas de résistance ; et s'il y a jamais eu un couple
heureux dans ce monde, qui avec tous ses défauts n'est pas encore
si misérable, au bout du compte, vous pouvez dire, sans risque de
vous tromper, que c'était celui-là.
    Dire que, durant ces évolutions,
M. Willet senior éprouvait les plus grandes émotions de
surprise dont la nature humaine soit susceptible ; dire qu'il
était dans une espèce de paralysie d'étonnement, et qu'il était
enlevé dans les régions les plus ardues, les plus étourdissantes,
les plus inaccessibles, d'une stupéfaction compliquée… ce serait
faire en termes bien imparfaits une esquisse trop incomplète de
l'état d'esprit où il se trouvait égaré. Si un
Roc
, un
aigle, un griffon, un éléphant volant, un cheval marin avec ses
grandes ailes, lui eût apparu subitement, qu'il l'eût pris sur son
dos, et l'eût emporté corporellement au cœur même de la
Savaigne
, ce n'aurait été pour lui qu'un événement
vulgaire et journalier, en comparaison de ce qu'il voyait de ses
yeux. Quoi ! être là sur sa chaise tout tranquillement, à
regarder et à entendre tout ça ! se voir complètement

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