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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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justement le sujet dont je venais
causer avec vous. Un homme qui n'a plus qu'un bras, père, ne peut
pas servir à grand'chose dans l'activité générale de ce monde.
    C'était là une de ces propositions vastes
auxquelles M. Willet n'avait jamais réfléchi et qui méritaient
mûre considération. Aussi ne répondit-il pas.
    « Dans tous les cas, reprit Joe, il n'est
pas libre de prendre et de choisir ses moyens d'existence comme un
autre. Il ne peut pas dire : « Je vais mettre la main à
ceci, » ou : « Je ne veux pas mettre la main à
cela ; » il faut qu'il prenne ce qu'il trouve, et encore
qu'il se trouve heureux de n'être pas réduit à pis…
Plaît-il ? »
    M. Willet venait, en effet, de se répéter
tout bas à lui-même, d'un air rêveur, les mots :
« Défense de la Savaigne, » mais il parut embarrassé
d'avoir été entendu, et répondit : « Rien.
    – Maintenant, écoutez bien, père.
M. Édouard est revenu en Angleterre des Indes occidentales. À
l'époque où on l'a perdu de vue (vous savez, père, le même jour où
je me sauvai de mon côté), il a fait un voyage dans une île de ce
pays-là, où s'était établi un de ses camarades de collège. Quand il
l'eut retrouvé là, il ne se crut pas déshonoré de prendre un emploi
dans son domaine et… et, bref, il y a bien fait ses affaires ;
il y prospère, il a fait ici un voyage pour son compte, et va y
retourner au plus tôt. C'est un bonheur de toute manière que nous
soyons revenus à peu près en même temps, et que nous nous soyons
rencontrés dans les derniers troubles : car non seulement ce
fut pour nous l'occasion de rendre service à d'anciens amis ;
mais cette circonstance m'a procuré l'avantage de pouvoir me tirer
d'affaire sans être à charge à personne. En un mot, père, il peut
me donner de l'occupation ; de mon côté, je me suis assuré que
je peux lui être de quelque utilité, et je m'en vais emporter mon
unique bras à son service pour en tirer le meilleur parti
possible. »
    Aux yeux intellectuels de M. Willet, les
Indes occidentales, ou plutôt toute contrée étrangère, n'étaient
habitées que par des nations sauvages qui ne faisaient toute la
journée qu'enterrer le calumet de paix, brandir des tomahawks, et
se tatouer sur le corps des dessins plus étranges les uns que les
autres. Il n'eut donc pas plus tôt entendu cette déclaration qu'il
se renversa sur son fauteuil, tira sa pipe de ses lèvres, et fixa
sur son fils des yeux aussi effarés que s'il le voyait déjà attaché
à un pieu, et livré aux plus cruelles tortures pour l'amusement
d'une population folâtre. Quelle forme allait-il donner à
l'expression de ce sentiment, c'est ce qu'on n'a jamais pu
savoir ; mais peu importe, d'ailleurs : car, avant qu'il
eût pu trouver une syllabe, Dolly Varden accourut dans la chambre,
toute en larmes, se jeta sur le sein de Joe, sans un mot
d'explication, et lui passa ses bras blancs autour du cou.
    « Dolly ! cria Joe. Dolly !
    – Oui, appelez-moi comme ça, toujours
comme ça, s'écria la petite demoiselle du serrurier. Et ne me
parlez plus avec froideur ; ne me tenez pas à distance, comme
vous faisiez ; ne m'en veuillez plus jamais de mes folies,
dont je me suis depuis longtemps repentie, ou vous me ferez mourir
de chagrin, Joe.
    – Moi vous en vouloir ! dit Joe.
    – Oui… car chaque mot de bonté et de
sincère franchise que vous prononciez m'allait au cœur ; car
vous, qui avez tant souffert avec moi… car vous, qui ne devez qu'à
mes caprices toutes vos peines et vos chagrins… quand je vous vois
si bon… si noble pour moi, Joe… »
    Il ne put rien lui dire, pas une syllabe, il y
avait bien une sorte d'éloquence assez drôle dans son bras gauche
qui lui avait serré la taille ; mais, quant à ses lèvres,
elles étaient muettes.
    « Encore, si vous m'aviez rappelé par un
mot… seulement un petit mot… continua Dolly, sanglotant, et
s'attachant encore à lui de plus près, que je ne méritais pas la
patience que vous m'aviez montrée ; si vous vous étiez un seul
moment prévalu de votre triomphe, j'en aurais eu moins de
chagrin.
    – Mon triomphe ! » répéta Joe,
avec un sourire qui semblait dire : « Avec cela que je
suis un beau garçon pour triompher !
    – Oui, votre triomphe, criait-elle,
toujours de tout son cœur et de toute son âme, qui éclataient dans
sa voix et dans les larmes dont étaient inondées ses joues, car
c’en est un. Je suis

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