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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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se
débattant en voiture, il s'était dégagé de ses menottes. Ils le
bâillonnèrent pour qu'il ne pût pas appeler à son secours, dans le
cas où l'on aurait à traverser quelque rassemblement, et prirent
place dans la chaise, à côté de lui. Ils étaient bien armés et
formaient une escorte formidable : cependant ils prirent
encore la précaution de baisser les stores pour faire croire qu'il
n'y avait personne dans la voiture, et recommandèrent à
M. Haredale de prendre les devants pour ne pas attirer
l'attention en ayant l'air d'être avec eux.
    On eut bientôt lieu de s'applaudir de ces
mesures de prudence : car, en prenant rapidement le chemin de
la Cité, ils eurent à traverser quelques groupes qui, sans aucun
doute, auraient arrêté la chaise, s'ils avaient pu se douter qu'il
y eût quelqu'un dedans. Mais les gens qui se trouvaient à
l'intérieur se tenant cois, et le cocher ne s'amusant pas à
provoquer des questions, ils arrivèrent bientôt à la prison, et,
une fois là, ils firent sortir l'homme et le coffrèrent, en un clin
d'œil, dans la lugubre enceinte de Newgate.
    Les yeux ardents de M. Haredale le
suivirent avec attention, jusqu'à ce qu'il l'eut vu enchaîné, et
bien barricadé dans son cachot. Bien plus, il avait déjà quitté la
prison, et se trouvait dans la rue, qu'il passait encore les mains
sur les plaques de fer de la porte, et tâtait la pierre de ces
fortes murailles, comme pour s'assurer que ce n'était pas un songe,
et pour se féliciter de voir que tout cela était si solide, si
impénétrable, si froid. Ce ne fut qu'après avoir perdu de vue la
prison et regardé les rues encore vides, sans mouvement et sans
vie, à cette heure matinale, qu'il sentit de nouveau le poids qu'il
avait sur le cœur ; qu'il retrouva ses angoisses et ses
tortures pour les malheureuses femmes qu'il avait laissées chez
lui, quand il avait un chez lui : car sa maison détruite
n'était plus elle-même qu’un des grains du long rosaire de ses
regrets.

Chapitre 20
     
    Le prisonnier, laissé à lui-même, s'assit sur
son grabat, et, les coudes sur ses genoux, son menton dans ses
mains, resta plusieurs heures de suite dans cette attitude. Il
serait difficile de dire quelle était, pendant ce temps, la nature
de ses réflexions. Elles n'étaient point distinctes ; et, sauf
quelques éclairs de temps en temps, elles n'avaient pas trait à sa
condition présente, ni à la suite de circonstances qui l'avait
amené là. Les craquelures des dalles de son cachot, les rainures
qui séparaient les pierres de taille dont se composait la muraille,
les barreaux de sa fenêtre, l'anneau de fer rivé dans le parquet…
tout cela se confondait à sa vue d'une manière étrange, et lui
créait un genre inexplicable d'amusement et d'intérêt qui
l'absorbait tout entier. Et, quoique au fond de chacune de ses
pensées il y eût un sentiment pénible de son crime et une crainte
constante de la mort, ce n'était que la douleur vague qu'éprouve le
malade dans son sommeil, lorsque son mal le poursuit au milieu même
de ses songes, lui ronge le cœur au sein de ses plaisirs
imaginaires, lui gâte les meilleurs banquets, prive de toute sa
douceur la musique la plus suave, empoisonne son bonheur même, sans
être cependant une sensation palpable et corporelle ; fantôme
sans nom, sans forme, sans présence visible ; corrompant tout
sans avoir d'existence réelle ; se manifestant partout, sans
pouvoir être perçu, saisi, touché nulle part, jusqu'à l'heure où le
sommeil s'en va et laisse la place à l'agonie qui s'éveille.
    Longtemps après, la porte de son cachot
s'ouvrit. Il leva les yeux, vit entrer l'aveugle, et retomba dans
sa première attitude.
    Guidé par le souffle de sa respiration, le
visiteur s'avança vers son lit, s'arrêta près de lui, et, étendant
la main pour s'assurer qu'il ne se trompait pas, resta longtemps
silencieux.
    « Ce n'est pas bien, Rudge. Ce n'est pas
bien, » finit-il par dire.
    Le prisonnier trépigna du pied en se
détournant de lui, sans rien répondre.
    « Comment donc vous êtes-vous laissé
prendre ? demanda-t-il, et où cela ? Vous ne m'avez
jamais confié tout votre secret. N'importe, je le sais maintenant.
Eh bien ! lui demanda-t-il encore en se rapprochant de lui,
comment cela est-il arrivé et dans quel endroit ?
    – À Chigwell, dit l'autre.
    – À Chigwell ? pour quoi faire
alliez-vous là ?
    – Parce que, répondit-il, je voulais
justement visiter

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