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Barnabé Rudge - Tome II

Barnabé Rudge - Tome II

Titel: Barnabé Rudge - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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l’homme sur lequel je suis tombé ; parce que
j'y étais entraîné par lui et par le Destin ; parce que j'y
étais poussé par quelque chose de plus fort que ma volonté. Quand
je l'ai vu veiller dans la maison où elle demeurait, tant de nuits
de suite, j'ai reconnu sur-le-champ que je ne pourrais jamais lui
échapper… jamais ! et quand j'ai entendu la cloche… »
    Il frissonna ; il marmotta entre ses
dents qu'il faisait un froid glacé ; il se promena à grands
pas de long en large dans son étroit cachot, se rassit, et reprit
son ancienne posture.
    « Vous disiez donc, reprit l'aveugle
après quelque temps de silence, que, lorsque vous avez entendu la
cloche…
    – Laissez la cloche tranquille,
voulez-vous ? répliqua l'autre d'une voix précipitée. Il me
semble l'entendre encore. »
    L'aveugle tourna vers lui sa figure attentive
et curieuse, pendant que l'autre, sans y faire attention, continua
de parler.
    « J'étais allé à Chigwell pour y trouver
l'émeute. J'avais été tellement traqué et poursuivi par cet homme,
que je n'espérais plus de salut qu'en me cachant dans la foule. Ils
étaient déjà partis ; je me suis mis à les suivre, quand elle
a cessé…
    – Quand elle a cessé ? qui
donc ?
    – La cloche. Ils avaient quitté la place.
J'espérais trouver encore quelque traînard attardé là, et j'étais à
chercher dans les ruines, quand j'entendis… (Il tira péniblement
son souffle de sa poitrine et passa sa manche sur son front)… quand
j'entendis sa voix.
    – Qu'est-ce qu'elle disait ?
    – N'importe : je ne sais pas ;
j'étais alors au pied de la tour où j'ai commis le…
    – Oui, dit l'aveugle en agitant la tête
avec un calme parfait… je comprends.
    – Je grimpai l'escalier, ou du moins ce
qu'il en restait, dans l'intention de me cacher jusqu'à son
départ ; mais il m'entendit et me suivit au moment même où je
mettais le pied sur les cendres encore chaudes.
    – Vous auriez dû vous cacher contre le
mur, ou jeter l'homme en bas, ou le poignarder, dit l'aveugle.
    – Vous croyez ça ; vous ne savez
donc pas qu'entre cet homme et moi il y en avait un autre qui le
guidait (je le voyais, moi, s'il ne le voyait pas, lui), et qui
dressait sur sa tête une main sanglante. C'était justement dans la
chambre du premier, où lui et moi nous nous sommes regardés en face
la nuit du meurtre, et, où avant de tomber il a levé sa main comme
cela, fixant sur moi les yeux. Je savais bien que c'était là aussi
que je finirais par être traqué.
    – Vous avez l'imagination forte, dit
l'aveugle avec un sourire.
    – Vous n'avez qu'à baigner la vôtre dans
le sang, et vous verrez si elle ne deviendra pas aussi forte que la
mienne. »
    En même temps il poussa un gémissement, il se
balança sur son lit, et levant les yeux pour la première fois, il
dit d'une voix basse et caverneuse :
    « Vingt-huit ans ! vingt-huit
ans ! Et dans tout ce temps-là il n'a jamais changé ; il
n'a pas vieilli ; il est resté toujours le même. Il n'a pas
cessé d'être devant moi ; la nuit, dans l'ombre ; le
jour, au grand soleil ; à la lueur du crépuscule, au clair de
la lune, à la clarté de la flamme, de la lampe, de la chandelle, et
aussi dans les ténèbres les plus profondes : toujours le
même ! En compagnie, dans la solitude, à terre, à bord ;
quelquefois il me laissait des mois, quelquefois il ne me quittait
plus. Je l'ai vu, sur mer, venir se glisser, dans le fort de la
nuit, le long d'un rayon de la lune sur l'eau paisible. Et je l'ai
vu aussi, sur les quais, sur les places, la main levée, dominant,
au centre de la foule empressée, qui allait à ses affaires sans
savoir l'étrange compagnon qu'elle avait avec elle dans ce revenant
silencieux. Imagination ! dites-vous. N'êtes-vous pas un homme
en chair et en os ? Et moi, ne le suis-je pas ? Ne
sont-ce pas des chaînes de fer que je porte là, rivées par le
marteau du serrurier ? ou bien croyez-vous que ce soient des
imaginations que je puisse dissiper d'un souffle ? »
    L'aveugle l'écoutait en silence.
    « Imagination ! c'est donc en
imagination que je l'ai tué ? c'est donc en imagination qu'en
quittant la chambre où il gisait, j'ai vu la figure d'un homme
regarder derrière une porte obscure, et montrer clairement, dans
son expression d'effroi, qu'elle me soupçonnait du coup ! Je
ne me rappelle donc pas bien que j'ai commencé par lui parler
doucement, que je me suis approché de lui

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