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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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dit-il, vous avez fait tout
ce chemin seulement pour me parler ?
    – Oui, répliqua-t-elle.
    – Malédiction, murmura-t-il, sur notre
pitoyable position de gueux orgueilleux, également déplacés que
nous sommes près du riche et près du pauvre ! l'un forcé de
nous traiter avec une apparence de froid respect, l'autre nous
montrant de la condescendance en toutes ses actions et ses paroles,
et nous tenant davantage à distance à mesure qu'il nous approche.
Dites-moi, au lieu de vous donner la peine de rompre pour si peu de
chose la chaîne d'habitude qu'ont forgée vingt-deux ans d'absence,
ne pouviez-vous pas me faire connaître votre désir de recevoir ma
visite ?
    – Je n'en ai pas eu le temps, monsieur,
répondit-elle. Je n'ai pris ma résolution que la nuit dernière, et
l'ayant prise, j'ai senti qu'il me fallait sans perdre un jour, un
jour ? pas même une heure, avoir un entretien avec
vous. »
    Ils avaient, pendant ce dialogue, atteint la
maison. M. Haredale s'arrêta un moment et la regarda comme
s'il était étonné de l'énergie de ses manières. Remarquant,
toutefois, qu'elle n'avait pas l'air de faire attention à lui, mais
qu'elle levait les yeux et jetait, en frissonnant, un regard sur
ces vieilles murailles qui s'unissaient dans son esprit à de
semblables horreurs, il la mena par un escalier particulier dans sa
bibliothèque, où Emma était à lire, assise à la fenêtre.
    Cette jeune personne, voyant qui s'approchait,
se leva précipitamment et mit son livre de côté ; puis avec
beaucoup de paroles affectueuses, et non sans larmes, elle voulut
faire à la veuve l'accueil le plus empressé, le plus cordial. Mais
celle-ci se déroba à son embrassement comme si elle avait peur
d'elle, et s'affaissa tremblante sur une chaise.
    « C'est l'effet de votre retour ici après
une si longue absence, dit Emma avec douceur. Sonnez, je vous prie,
cher oncle, ou plutôt ne bougez pas : Barnabé courra lui-même
demander du vin.
    – Non, pour tout au monde, cria la veuve.
Il aurait un autre goût. Je ne pourrais pas y toucher. Je n'ai
besoin que d'une minute de repos ; rien que cela. »
    Mlle Haredale resta debout auprès de sa
chaise, la regardant avec une compassion silencieuse. Elle demeura
un peu de temps tout à fait tranquille ; puis elle se leva et
se tourna vers M. Haredale, qui s'était assis dans sa bergère
et la contemplait avec l'attention la plus soutenue.
    La légende rattachée au manoir semblait, comme
nous l'avons déjà dit, le prédestiner à devenir le théâtre d'un
crime pareil à celui qui avait ensanglanté ses murs. La chambre
dans laquelle ils se trouvaient, voisine de la chambre même où le
meurtre s'était accompli, ténébreuse, mélancolique et morne,
surchargée de livres mangés aux vers, close par des rideaux qui
amortissaient et étouffaient chaque son, couverte d'ombres lugubres
par des arbres dont les branches bruissantes venaient
continuellement, ainsi que des spectres, frapper les carreaux,
avait, plus que toutes les autres chambres de la maison, un air
sinistre et funèbre. Le groupe même qui se trouvait là offrait des
personnages appropriés aussi à ce lieu terrible. La veuve, avec sa
figure tressaillante et ses yeux baissés ; M. Haredale,
sévère et morne, comme toujours ; sa nièce auprès de lui,
ressemblant, malgré de très grandes différences, au portrait de son
père, qui, de la muraille noircie, les considérait d'un air de
reproche ; Barnabé, avec son regard vague et ses yeux
mobiles ; tous répondaient bien au lieu de la scène et aux
acteurs de la légende. Le corbeau lui-même, qui avait sauté sur la
table, où, semblable à un vieux nécromancien, il paraissait étudier
profondément un grand volume in-folio, ouvert sur un pupitre, était
en harmonie avec le reste : on aurait dit une incarnation du
mauvais esprit, attendant son heure de faire le mal.
    « Je sais à peine, dit la veuve en
rompant le silence, par où commencer. Vous allez croire qu'il y a
du trouble dans ma raison.
    – Tout le cours de votre vie paisible et
irréprochable depuis que vous avez quitté la Garenne, répondit
doucement M. Haredale, portera témoignage en votre faveur.
Pourquoi craignez-vous d'exciter un pareil soupçon ? vous ne
parlez pas à des étrangers. Ce n'est pas la première fois que vous
avez à réclamer notre intérêt ou notre considération.
Remettez-vous. Prenez courage. Quelque avis ou quelque assistance
que vous

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