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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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nous ne lui laisserons pas rompre son engagement
avant un bon bout de temps, je vous en réponds. »
    Lorsqu'il eut causé par ses paroles ambiguës
cette légère méprise, dont l'origine était sans doute la récente
escapade d'un garçon du village, qui venait de s'engager pour de
bon, M. Willet se recula de l'oreille de son hôte ; et,
sans aucune modification visible dans ses traits, il gloussa de
rire trois fois bien distinctement. Il ne riait jamais plus fort
que cela. il ne se le serait pas permis (et encore, encore, il
fallait des occasions rares et extraordinaires) ; il ne
retroussait pas même ses lèvres, et n'aurait pas, pour tout au
monde, remué tant seulement son double menton, gras et dodu, lequel
en ces circonstances, aussi bien que dans toutes les autres,
restait, comme un véritable désert de Sahara, sur la large
mappemonde de sa frimousse ; un steppe en blanc sur la carte,
un monde inconnu, sans ville, sans verdure et sans eau.
    Que personne ne s'étonne si M. Willet se
permit ce petit éclat de rire, sans respect pour une personne qu'il
avait souvent hébergée et qui avait toujours payé généreusement son
passage au Maypole ; c'est au contraire un fait à l'honneur de
sa pénétration et de sa sagacité, qui lui conseillaient, contre son
habitude, cette démonstration badine et familière. Car
M. Willet, après avoir pesé avec soin le père et le fils dans
ses balances mentales, était arrivé à la conclusion fort nette que
le vieux gentleman était un chaland de meilleure qualité que le
jeune. Puis, jetant dans le même plateau, déjà victorieux, son
propriétaire, et, par-dessus M. Haredale, le vif agrément de
contrecarrer le malheureux Joe, et sa résistance paternelle, en
principe général, à toutes les affaires d'amour et de mariage, ce
plateau plongea droit vers le plancher, envoyant droit au plafond
le jeune gentleman, qui ne pesait pas plus qu'une plume.
M. Chester n'était pas homme à se faire illusion sur les
motifs de M. Willet ; mais il le remercia avec autant de
grâce que si l'aubergiste eût été un des plus désintéressés martyrs
qui eussent jamais paru dans ce monde ; et, le laissant maître
de lui préparer un dîner de son choix, grande preuve de confiance
dans son goût et son jugement, dit-il d'un ton complimenteur, il
dirigea ses pas vers la Garenne.
    Habillé avec encore plus d'élégance que de
coutume, prenant une grâce accomplie de manières, qui, pour être le
résultat d'une longue étude, ne lui en laissait pas moins toute son
aisance et lui seyait à merveille, donnant à ses traits
l'expression la plus sereine et la plus faite pour gagner les
cœurs ; bref, irréprochable de tout point, ce qui dénotait
qu'il n'attachait pas une médiocre importance à l'impression que sa
personne allait faire, il entra sur les limites de la promenade
habituelle de Mlle Haredale. À peine eut-il fait quelques pas
et jeté un coup d'œil autour de lui, qu'il aperçut une femme venant
dans sa direction. Un coup d'œil jeté sur sa taille et sa toilette,
comme elle traversait un petit pont de bois qui les séparait,
suffit pour lui donner la certitude que c'était bien la personne
qu'il désirait voir. Il s'avança sur son chemin, et, le moment
d'après, ils étaient tout près l'un de l'autre.
    Il ôta son chapeau, et, cédant le sentier à la
jeune fille, il la laissa passer. Puis, comme si l'idée ne lui en
était venue qu'en ce moment, il se tourna vers elle avec
précipitation, et lui dit d'une voix agitée :
    « Je vous demande pardon, n'est-ce pas à
mademoiselle Haredale que je m'adresse ?
    Elle s'arrêta, quelque peu confuse d'être
accostée d'une façon si inattendue par un étranger, et répondit
oui.
    « Quelque chose me disait, reprit-il avec
un regard qui était un compliment pour sa beauté, que ce ne pouvait
être une autre. Mademoiselle Haredale, je porte un nom qui ne vous
est pas inconnu, et qui, pardonnez-moi d'en éprouver à la fois de
l'orgueil et du chagrin, résonne, je crois, agréablement à vos
oreilles. Je suis déjà d'un certain âge, comme vous voyez. Je suis
le père de l'homme que vous daignez distinguer par-dessus tous les
autres. Puis-je, pour de puissantes raisons qui me sont bien
pénibles, vous prier de m'accorder ici une minute
d'entretien ? »
    Comment une jeune fille, étrangère à la ruse,
avec un cœur plein d'une noble franchise, aurait-elle pu douter de
la sincérité de cet homme, surtout quand elle

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