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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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dans
la rue, à droite et à gauche, autant que l’obscurité croissante le
lui permit rentra dans la boutique, attendit encore un peu plus,
monta en fredonnant un air, s’enferma au verrou, laissa tomber sa
tête sur son lit, et pleura comme si son cœur eût voulu éclater. Et
cependant ces natures-là sont faites de tant de contradictions, que
si Joe Willet était revenu ce soir, le lendemain, la semaine
suivante, le mois suivant, elle l'aurait traité absolument de la
même façon, quitte à pleurer encore après, avec la même
douleur.
    Elle n'eut pas sitôt quitté la boutique qu’on
aurait pu voir surgir de derrière la cheminée de la forge une
figure qui était déjà sortie deux ou trois fois de ladite cachette
sans être vue, et qui, après s’être assurée qu’il n’y avait
personne, fut suivie d'une jambe, d'une épaule, et ainsi
graduellement, jusqu'à ce que parut en son entier la forme bien
accusée de M. Tappertit, avec un bonnet de papier gris
négligemment enfoncé sur un des côtes de sa tête, et les deux
poings fièrement plantés sur les hanches.
    « Mes oreilles m’ont-elles trompé, dit
l'apprenti, ou est-ce que je rêve ? Dois-je te remercier, ô
Fortune, ou te maudire ? lequel des deux ? »
    Il descendit gravement du lieu élevé qu’il
occupait, prit son morceau de miroir, le planta contre la muraille
sur le banc habituel, frisa sa tête, et regarda ses jambes avec
attention.
    « Si ce sont là des rêves, dit Sim en les
caressant, je souhaite aux sculpteurs d’en avoir de pareils et de
les façonner sur ce moule à leur réveil. Mais non, c’est bien une
réalité. Le sommeil ne vous fait pas des membres comme ceux-là.
Tremble, Willet, tremble de désespoir. Elle est à moi ! Elle
est à moi ! »
    En achevant ces triomphantes paroles, il
saisit un marteau et en asséna un coup violent sur une vis qui
représentait aux yeux de son imagination la caboche ou la tête de
Joseph Willet. Cela fait, il poussa un long éclat de rire dont
tressaillit Mlle Miggs même dans sa lointaine cuisine ;
et plongeant sa tête dans un bol rempli d'eau, il eut recours à
l'essuie-mains placé en dedans de la porte du cabinet, et s'en
servit à la fois pour étouffer ses sentiments et sécher sa
figure.
    Joe, inconsolable et abattu, mais plein de
courage pourtant, en quittant la maison du serrurier, se dirigea de
son mieux vers
la Bûche Tortue
, et demanda là son ami le
sergent. Celui-ci, qui ne s'attendait guère à le voir, le reçut à
bras ouverts. Cinq minutes après son arrivée à cette taverne, il
était enrôlé parmi les braves défenseurs de son pays natal ;
et au bout d'une demi-heure on le régalait à souper d'un plat
fumant de tripes bouillies aux oignons, préparé, comme le lui
assura plus d'une fois son nouvel ami, par l'ordre exprès de Sa
très sacrée Majesté le roi. Ce mets lui sembla fort savoureux après
son long jeûne ; il y fit donc grand honneur, et quand il
l'eut accompagné des divers toasts d'un fidèle sujet envers son
prince et sa patrie, on le conduisit à une paillasse dans un
grenier à foin, au-dessus de l'écurie, et on l'y enferma pour la
nuit.
    Le lendemain, grâce au soin obligeant de son
martial ami, il trouva son chapeau décoré de plusieurs rubans
bigarrés qui lui donnaient un air coquet. En compagnie de cet
officier, et de trois autres militaires nouvellement enrôlés, si
bien enrubannés comme lui, que sous ce nuage flottant on ne pouvait
distinguer que trois souliers, une botte, et un habit et demi, il
alla vers le bord du fleuve. Là ils furent rejoints par un caporal
et quatre héros de plus, dont deux étaient ivres et tapageurs, et
les deux autres sobres et repentants, mais ayant chacun, comme Joe,
son bâton poudreux et son paquet au bout. La société s'embarqua sur
un bateau de passage en destination pour Gravesend, d'où on devait
aller pédestrement à Chatham. Le vent les favorisait, et ils eurent
bientôt laissé Londres derrière eux ; ce n'était plus qu'un
brouillard sombre, le fantôme d'un géant dans les airs.

Chapitre 32
     
    Un malheur, dit le proverbe, ne vient jamais
seul. On ne peut douter en effet que les tribulations ne soient
excessivement collectives de leur nature, et qu'elles ne prennent
plaisir à voler par bandes, pour aller de là se percher selon leur
caprice sur la tête de quelque pauvre diable, jusqu'à ce qu'elles
ne lui laissent plus sur le crâne un pouce de libre, sans faire
seulement

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