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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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attention à d'autres qui offriraient à la plante de leurs
pieds d'aussi bonnes places de repos, mais qu'elles s'obstinent à
ne pas voir. Il arriva peut-être qu'une volée de tribulations
planant sur Londres, et épiant Joseph Willet sans pouvoir le
trouver, fondirent à tout hasard sur le premier jeune homme qui
leur tomba sous la main, pour s'y abattre. Quoi qu'il en soit, il
est positif que, le jour même du départ de Joe, un essaim de
tribulations fit autour des oreilles d'Édouard Chester un tel
bourdonnement, un tel tintamarre de ses ailes, qu'il en étourdit
cette infortunée victime.
    C'était le soir, il était juste huit heures,
quand lui et son père, en face du vin et du dessert qu'on venait de
placer devant eux, furent laissés seuls pour la première fois de la
journée. Ils avaient dîné ensemble, mais une tierce personne avait
été présente pendant tout le repas, et, jusqu'au moment où ils
s'étaient rencontrés à table, ils ne s'étaient point vus depuis la
soirée précédente.
    Édouard était réservé et silencieux,
M. Chester était plus gai que de coutume ; mais ne se
souciant pas, à ce qu'il semblait, d'engager la conversation avec
quelqu'un d'une humeur si différente, il donnait cours à la
légèreté de la sienne en sourires et en regards scintillants, sans
faire d'ailleurs aucuns frais pour attirer l'attention de son fils.
Ils restèrent ainsi quelque temps, le père étendu sur un sofa avec
son air accoutumé de gracieuse négligence, le fils assis en face de
lui, les yeux baissés, évidemment préoccupé de pensées et d'ennuis
pénibles.
    « Mon cher Édouard, dit enfin
M. Chester avec un rire des plus attrayants, n'étendez pas
votre influence assoupissante jusque sur le carafon. Faites au
moins circuler cela, pour empêcher que votre humeur ne reste trop
stagnante. »
    Édouard s'excusa et lui passa le
carafon ; puis il retomba dans son état de torpeur.
    « Vous avez tort de ne pas remplir votre
verre, dit M. Chester en tenant le sien devant la lumière. Le
vin pris modérément, sans excès, car cela rend laid, à mille
influences agréables. Il donne aux yeux plus de brillant, à la voix
plus d'éclat, aux pensées plus de vivacité, à la conversation plus
de piquant. Vous devriez en essayer, Ned.
    – Ah ! père, s'écria son fils,
si…
    – Mon bon garçon, interrompit
précipitamment le père, en mettant son verre sur la table et
haussant ses sourcils avec l'expression de physionomie d'un homme
qui tressaille d'horreur, au nom du ciel, ne m'appelez pas de ce
nom antique et suranné. Ayez quelque égard pour la délicatesse.
Suis-je donc déjà tout gris, tout ridé, marché-je sur des
béquilles, ai-je perdu mes dents, que vous adoptiez une pareille
formule avec moi ? Bon Dieu, quelle grossièreté !
    – J'allais vous parler du fond de mon
cœur, monsieur, répondit Édouard, avec toute la confiance qui
devrait exister entre nous ; et vous m'arrêtez tout court dès
le début.
    – Oh ! de grâce, Ned, dit
M. Chester en levant sa main délicate comme pour implorer son
fils, ne vous énoncez pas de cette monstrueuse façon ; vous
alliez me parler du fond de votre cœur ! Ne savez-vous point
que le cœur est une partie ingénieuse de notre mécanisme, le centre
des vaisseaux sanguins et de toutes les choses de ce genre, qui n'a
pas plus de rapports avec vos pensées et vos paroles que n'en ont
vos genoux ? Comment pouvez-vous être si vulgaire et si
absurde ? On doit laisser ces allusions anatomiques aux
gentlemen de la profession médicale. Elles ne sont réellement pas
agréables en société. Vous me surprenez tout à fait, Ned.
    – Je sais bien que, selon vous, des cœurs
blessés, des cœurs consolés, des cœurs à ménager, ce sont toutes
chimères. Je connais vos principes à cet égard, monsieur, et je
n'en parlerai plus, répliqua son fils.
    – Voici encore, dit M. Chester en
buvant son vin à petits traits, que vous êtes dans l'erreur. Je dis
nettement, au contraire, que ce ne sont point des chimères, nous
savons qu'il y en a. Les cœurs des animaux, des bœufs, des moutons
et ainsi de suite, sont mis sur le feu et dévorés à ce qu'on m'a
dit, par la basse classe, avec un suprême délice. Des hommes sont
quelquefois percés d'un coup de poignard au cœur, frappés d'une
balle au cœur, mais ces locutions « du fond du cœur, » ou
« jusqu'au cœur, » « cœur chaud et cœur
froid, » ou « cœur brisé, » ou

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