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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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ou moins, il s'attendait à faire une fin décente et à laisser
son établissement à sa mère.
    Dolly dégagea sa main et dit :
« Vraiment ? » faisant observer, sans reprendre
haleine qu'il faisait bien beau ce soir, bref, elle ne trahit pas
plus d’émotion que l’enclume même de la forge.
    « Je n'ai pu partir, dit Joe, sans venir
vous voir. Je n'en avais pas le courage. »
    Dolly témoigna qu'elle était bien fâchée qu'il
eût pris tant de peine. C'était une si longue course, el il devait
avoir tant de choses à faire ! Et comment allait
M. Willet, ce bon vieux gentleman ?
    « Est-ce là tout ce que vous avez à me
dire ? s'écria Joe.
    – Tout ! Bonté divine ! Et sur
quoi donc avait compté ce garçon-là ? » Elle fut obligée
de prendre son tablier d’une main et de jeter les yeux sur l'ourlet
d'un bout à l'autre, pour s'empêcher de lui rire au nez, car ce
n'était pas un effet de son trouble ou de sa stupéfaction.
Oh ! pas du tout.
    Joe avait peu d'expérience en affaires
d'amour, et il n'avait aucune idée de la manière dont les jeunes
demoiselles varient selon les temps. Il s'attendait à retrouver
Dolly juste au point où il l'avait laissée lors de ce délicieux
voyage nocturne, et il n'était pas plus préparé à un tel changement
qu'à voir le soleil et la lune changer de place. Il avait été
soutenu toute la journée par l'idée vague qu'elle lui dirait
certainement : « Ne partez pas, » ou « Ne nous
quittez pas, » ou : « Pourquoi
partez-vous ? » ou « Pourquoi nous
quittez-vous ? » ou qu'elle lui donnerait quelque petit
encouragement de ce genre ; il avait même admis comme possible
qu'elle fondît en larmes, qu'elle se précipitât dans ses bras, ou
qu'elle tombât en pamoison sans un mot, sans un signe au
préalable : mais il avait été si loin de penser à rien qui
approchât d'une pareille ligne de conduite, qu'il ne put que la
regarder avec un silencieux étonnement.
    Dolly cependant en revenait aux coins de son
tablier, mesurait les côtes, effaçait les plis, et restait aussi
silencieuse que lui-même. Enfin, après une longue pause, Joe lui
dit au revoir.
    « Au revoir ! dit Dolly, avec un
sourire aussi agréable que s'il allait dans la rue voisine faire un
tour avant de revenir souper, au revoir !
    – Voyons, dit Joe, en lui tendant ses
deux mains, Dolly, chère Dolly, ne nous séparons pas comme cela. Je
vous aime tendrement, de tout mon cœur et de toute mon âme, avec
autant de sincérité et de sérieux que jamais homme aima une femme
dans ce monde, je le crois. Je suis un pauvre garçon, comme vous
savez, plus pauvre à présent que jamais, car j'ai fui de la maison
paternelle, ne pouvant souffrir plus longtemps d'être traité de la
sorte, et il faut que je fasse mon chemin sans aucune aide. Vous
êtes belle, admirée, vous êtes aimée de chacun, vous êtes dans
l'aisance et heureuse, puissiez-vous toujours l'être ! Le ciel
me préserve de compromettre votre bonheur ! mais dites-moi un
mot de consolation Je n'ai pas le droit de le réclamer de vous, je
le sais ; mais je vous le demande parce que je vous aime, et
que le moindre mot de vous sera pour un moi un trésor que je
garderai chèrement pendant toute ma vie. Dolly, ma chère Dolly,
n'avez vous rien à me dire ?
    – Non, rien. »
    Dolly était coquette de sa nature, et de plus
enfant gâté. Elle n'avait pas du tout envie qu'on vînt la prendre
d’assaut de cette manière-là. Le carrossier aurait fondu en larmes,
il se serait agenouillé, il se serait fait des reproches, il aurait
crispé ses mains, frappé sa poitrine, serré sa cravate à
s’étrangler, et fait toute sorte de poésie. Joe n'avait pas besoin
d'aller à l'étranger. Il n'avait pas le droit d'en être capable,
et, puisqu'il était dans les chaînes adamantines, il ne pouvait
plus disposer de lui.
    « Je vous ai dit au revoir, dit Dolly, et
encore deux fois. 0tez tout de suite votre bras, monsieur Joseph,
ou j'appelle Miggs.
    – Je ne vous ferai pas de reproches
répondit Joe, c’est ma faute sans doute J’ai cru quelquefois que
vous ne me méprisiez pas mais c’était folie de ma part. Je dois
être méprisé de quiconque a vu la vie que j’ai menée, de vous plus
que de tous les autres. Que Dieu vous bénisse ! »
    Il était parti, ma foi l ! mais parti
pour de bon. Dolly attendit un peu de temps pensant qu'il allait
revenir sur ses pas, elle se coula près de la porte, regarda

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