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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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maître ; et qu'il avait même, comme on
l'invitait, dans une certaine taverne obscure, à proposer la santé
de la dame qu'il honorait de son amour, porté le toast suivant,
avec force œillades et lorgnades : « Une belle créature
dont le nom de baptême commence par un D. » Et maintenant le
lecteur sait de Sim Tappertit, qui avait en ce moment rejoint à
table le serrurier, tout ce qu'il est nécessaire d'en savoir pour
faire connaissance avec lui.
    C'était un repas substantiel : car,
indépendamment du thé de rigueur et de ses accessoires, la table
craquait sous le poids d'une bonne rouelle de bœuf, d'un jambon de
première qualité, et de divers étages de gâteau beurré du
Yorkshire, dont les tranches s'élevaient l'une sur l'autre dans la
disposition la plus appétissante. Il y avait aussi un superbe
cruchon bien verni, ayant la forme d'un vieux bonhomme qui
ressemblait un peu au serrurier ; au-dessus de sa tête chauve
était une belle mousse blanche qui lui tenait lieu de perruque et
promettait, à ne pas s'y tromper, une ale pétillante brassée à la
maison. Mais plus adorable que cette ale jolie brassée à la maison,
que le gâteau du Yorkshire, que le jambon, que le bœuf, qu'aucune
autre chose à manger ou à boire que la terre ou l'air ou l'eau pût
fournir, il y avait là, présidant à tout, la fille du serrurier,
aux joues de rose : devant ses yeux noirs le bœuf perdait tout
son prestige, et la bière n'était plus rien, ou peu s'en faut.
    Les pères ne devraient jamais embrasser leurs
filles en présence de jeunes gens. C'est trop aussi. Il y a des
limites aux épreuves humaines. Voilà justement ce que pensait Sim
Tappertit quand Gabriel attira, vers ses lèvres les lèvres rosées
de sa fille… Ces lèvres qui étaient chaque jour si près de Sim, et
pourtant si loin ! Il respectait son maître, mais il aurait
souhaité dans ce moment-là que le gâteau de Yorkshire l'étouffât
plutôt.
    « Père, dit la fille du serrurier,
lorsque fut finie cette embrassade, qu'est-ce donc que
j'apprends ? Est-il bien vrai que cette nuit…
    – Tout ça est vrai, chère enfant ;
vrai comme l'Évangile, Doll.
    – M. Chester fils volé, et gisant
blessé sur la route, quand vous êtes survenu ?
    – Oui ; M. Édouard. Et auprès
de lui Barnabé, criant au secours tant qu'il pouvait. Je suis
survenu fort à point, car c'est une route solitaire ; il était
tard, et, comme la nuit était froide, et que le pauvre Barnabé
avait encore moins de raison qu'à l'ordinaire, par suite de sa
surprise et de son épouvante, le jeune monsieur n'en avait pas pour
longtemps de s'en aller dans l'autre monde.
    – Je tremble, rien que d'y penser !
cria sa fille en frémissant. Comment l'avez-vous reconnu ?
    – Reconnu ? répliqua le serrurier.
Je ne l'ai pas reconnu. Et le moyen de le reconnaître ? Je ne
l'avais jamais vu ; j'avais seulement mainte fois entendu
parler de lui, comme j'en avais parlé moi-même sans le connaître.
Je l'ai transporté chez mistress Rudge, et elle ne l'eut pas plus
tôt vu, qu'elle me dit qui c'était.
    – Mlle Emma, père, si cette nouvelle
lui arrive, exagérée comme elle le sera certainement, est capable
d'en devenir folle.
    – Eh mais ! écoutez donc encore, et
voyez à quoi un homme s'expose quand il a bon cœur, dit le
serrurier. Mlle Emma était avec son oncle au bal masqué, à
Carlisle-House ; elle y était allée bien malgré elle, m'a-t-on
dit à la Garenne. Savez-vous ce que fait votre imbécile de père,
après avoir tenu conseil avec mistress Rudge ? Il y va
lorsqu'il aurait dû être dans son lit ; il sollicite la
protection de son ami le portier, s'affuble d'un masque et d'un
domino, et se mêle aux masques.
    – Et comme c'est bien digne de lui
d'avoir fait cela ! s'écria la fillette, lui mettant son beau
bras autour du cou, et lui donnant le plus enthousiaste des
baisers.
    – Bien digne de lui ! répéta
Gabriel, qui affectait de grommeler, mais qui évidemment était
enchanté du rôle qu'il avait joué et des louanges de sa fille. Bien
digne de lui ! C'est ainsi que parle votre mère. Cela
n'empêche pas qu'il s'est mêlé à la foule ; harcelé,
tourmenté, je vous en réponds, par des gens qui venaient lui
rebattre les oreilles de leur : « Est-ce que tu ne me
connais pas, beau masque ? moi je te connais bien, » et
d'un tas de sottises de cette espèce. Sans compter qu'il y serait
encore à chercher, s'il n'y avait

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