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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
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banc peu élevé, et regarda par-dessus son épaule tout
ce qui put se refléter de ses jambes dans un cadre si étroit, avec
une extrême complaisance et une extrême satisfaction.
    Sim, comme on l'appelait dans la famille du
serrurier, ou M. Simon Tappertit, comme il s'appelait lui-même
et exigeait que tout le monde l'appelât au dehors, les jours de
fête, sans compter les dimanches, était un drôle de corps, d'une
figure mince, aux cheveux plats, aux petits yeux, de petite taille,
n'ayant pas beaucoup plus de cinq pieds, mais absolument convaincu
dans son propre esprit qu'il était au-dessus de la taille moyenne,
et plutôt grand qu'autrement. Sa personne, qui était bien faite,
quoique des plus maigres, lui inspirait une haute admiration ;
et ses jambes, qui, dans sa culotte courte, étaient deux
curiosités, deux raretés, au point de vue de leur exiguïté,
excitaient en lui l'enthousiasme à un degré voisin de l'extase. Il
avait aussi quelques idées majestueusement nuageuses, que n'avaient
jamais sondées à fond ses amis les plus intimes, sur la puissance
de son œil. On n'ignorait pas qu'il était allé jusqu'à se vanter de
pouvoir complètement réduire et subjuguer la plus fière beauté par
un simple procédé qu'il définissait « l'œillade
fascinatrice ; » mais il faut ajouter que de cette
puissance, pas plus que d'un don homogène qu'il prétendait avoir de
vaincre et dompter les animaux, même enragés, il n'avait jamais
fourni de preuve qu'on pût estimer tout à fait satisfaisante et
décisive.
    Ces prémisses permettent de conclure que le
petit corps de M. Tappertit renfermait une âme ambitieuse et
pleine de présomption. De même que certaines liqueurs, contenues
dans des barils de dimensions trop étroites, fermentent, s'agitent
et s'échauffent dans leur prison, ainsi l'essence spirituelle de
l'âme de M. Tappertit fumait quelquefois dans le précieux
baril de son corps, jusqu'à ce que, avec beaucoup d'écume, de
mousse et de fracas, elle s'ouvrît de force un passage, et emportât
tout devant elle. Il avait coutume de remarquer. dans ces
occasions, que son âme lui avait monté à la tête ; et, dans ce
nouveau genre d'ivresse, il lui était arrivé nombre d'anicroches et
de mésaventures, qu'il avait fréquemment cachées, non sans de
grandes difficultés, à son digne maître.
    Sim Tappertit, parmi les autres fantaisies
dont cette âme se repaissait et se régalait incessamment
(fantaisies qui, telles que le foie de Prométhée, se multipliaient
par la consommation), avait une haute idée de son ordre ; et
la servante l'avait entendu exprimer ouvertement le regret que les
apprentis ne pussent plus porter de bâtons pour en assommer les
pékins, selon son expression énergique. Il aurait dit aussi qu'on
avait jadis stigmatisé l'honneur de leur corps par l'exécution de
Georges Barnwell ; que les apprentis n'eussent pas dû se
soumettre bassement à cette exécution, qu'ils eussent dû réclamer
leur collègue à la législature, d'abord d'une manière calme, puis,
s'il le fallait, au moyen d'un appel aux armes, dont ils auraient
fait usage comme ils l'auraient jugé à propos dans leur sagesse.
Ces réflexions l'amenaient toujours à considérer quel glorieux
instrument les apprentis pourraient devenir encore, si seulement
ils avaient à leur tête un esprit supérieur ; et il faisait
alors d'une façon ténébreuse, et terrifiante pour ceux qui
l'écoutaient, allusion à certains gaillards de sa connaissance,
tous crânes finis, et à un certain Cœur-de-Lion prêt à devenir leur
capitaine, lequel, une fois en besogne, ferait trembler le
lord-maire sur son trône municipal.
    Quant au costume et à la décoration
personnelle, Sim Tappertit n'était pas d'un caractère moins
aventureux ni moins entreprenant. On l'avait vu, chose
incontestable, ôter des manchettes superfines au coin de la rue les
dimanches soir, et les mettre soigneusement dans sa poche avant de
rentrer au logis ; et il était notoire que, tous les jours de
grande fête, il avait l'habitude de changer ses boucles de
genouillères en simple acier contre des boucles de strass
reluisant, sous l'abri amical d'un poteau, très commodément planté
audit endroit. Ajoutez à cela qu'il était âgé de vingt ans
juste ; que son extérieur lui en donnait davantage, et sa
suffisance au moins deux cents ; qu'il ne trouvait pas de mal
à ce qu'on le plaisantât en passant sur son admiration pour la
fille de son

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