Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles Dickens
Vom Netzwerk:
Mme Varden était disposée à être d'une gaieté
surprenante. Véritablement la digne ménagère était d'une nature si
capricieuse, que non seulement elle s'élevait au-dessus du génie de
Macbeth par son aptitude à montrer, en un tour de main, sagesse et
stupéfaction, modération et fureur, loyauté et indifférence ;
mais encore sa voix changeait de gamme, montait et descendait dans
tous les tons et tous les modes possibles en moins d'un petit quart
d'heure ; en un mot, elle savait manœuvrer le triple carillon
et jouer à toute volée des instruments éclatants du clocher
féminin, avec une adresse et une rapidité d'exécution qui
étonnaient tous les auditeurs.
    Une observation faite sur cette bonne dame
(qui ne manquait pas de charmes en sa personne, car on la trouvait
potelée et de même appétissante, quoique, comme sa charmante fille,
un peu courte de taille), c'était que son humeur incertaine se
fortifiait et s'augmentait en raison de sa prospérité
temporelle ; et il ne manquait pas de gens très sensés, ma
foi, hommes et femmes, en liaison d'amitié avec le serrurier et sa
famille, qui allaient jusqu'à dire qu'une culbute d'une
demi-douzaine de tours sur l'échelle du monde, tels que, la
banqueroute d'une banque où son mari plaçait son argent, ou quelque
autre accident de ce genre, la rendrait et sans faute une des dames
du plus agréable commerce ici-bas. Je n'ai pas à m'expliquer sur
cette conjecture bien ou mal fondée, toujours est-il que les
esprits, comme les corps, tombent souvent dans un état fâcheux où
ils se couvrent de pustules par pur excès de bien être, et, comme
eux, se guérissent souvent avec des remèdes nauséabonds, d'un goût
affreux au palais.
    Le principal auxiliaire et l'âme damnée de
Mme Varden, mais en même temps la principale victime de ses
colères, était son unique servante, une demoiselle Miggs, ou, comme
on l'appelait, conformément à ces préjuges sociaux qui élaguent et
étêtent chez les pauvres filles de service tout ce luxe de
politesse, Miggs. Cette Miggs était une grande jeune demoiselle,
très adonnée aux socques dans la vie privée, mince et acariâtre,
qui aurait pu être mieux faite, et, sans avoir absolument une
mauvaise physionomie, d'un visage acide comme du vinaigre. En
principe général et comme pure abstraction, Miggs soutenait que le
sexe mâle était extrêmement méprisable et indigne d'attention,
qu'il était volage, faux, bas, fat, enclin au parjure, et
totalement dénué de mérite. Lorsqu'elle était exaspérée contre les
hommes d'une façon particulière (ce qui arrivait au dire des
médisants, dans les moments où elle avait le plus à se plaindre des
mépris de Sim Tappertit), elle avait coutume de souhaiter, avec une
grande énergie, que toutes les femmes vinssent à mourir un beau
jour, pour apprendre aux hommes à mieux connaître la valeur de ces
créatures célestes auxquelles ils attachent si peu de prix ;
oui, dans le transport de son patriotisme féminin, elle allait
jusqu'à déclarer quelquefois que, si on pouvait lui garantir un bon
nombre, un chiffre rond de dix mille jeunes vierges, par exemple,
prêtes à l'imiter, elle n'hésiterait pas, pour faire dépit au sexe
masculin, à se pendre, à se noyer, à se poignarder, à s'empoisonner
elle même, avec une joie indicible.
    Ce fut la voix de Miggs qui salua le
serrurier, quand il frappa à la porte de sa maison, d'un cri
perçant de : « Qui est là ?
    – C'est moi, ma fille, c'est moi,
répondit Gabriel.
    – Quoi, déjà, monsieur ! dit Miggs,
ouvrant la porte d'un air de surprise. Nous mettions justement
notre bonnet de nuit pour veiller, moi et ma maîtresse. Oh !
elle a été si mal ! »
    Miggs dit cela d'un air de candeur et de
sollicitude peu commun ; mais la porte de la salle à manger
était toute grande ouverte, et Gabriel, sachant parfaitement pour
qui c'était dit, lui jeta en passant un regard qui n'était rien
moins que satisfait.
    « C'est monsieur qui rentre, mame, cria
Miggs, courant devant lui dans la salle à manger. C'est vous qui
aviez tort, mame, et c'est moi qui avais raison. Je pensais bien
qu'il ne nous ferait pas veiller si tard, deux nuits de suite. Ce
n'est pas monsieur qui ferait ça. J'en suis contente, mame, à cause
de vous. Je suis un peu… ici Miggs pleurnicha… un peu tourmentée
par le sommeil moi-même, je l'avoue maintenant, mame, quoique je
n'aie pas voulu en convenir quand vous me l'avez demandé.

Weitere Kostenlose Bücher