Bastard battle
nous aultres sur ses arrières, trente à quarante compaings de Bourbon en prise tout contre la porte de l’Eau avec une démone calme et furyeuse. Elle sautait des tuilettes de la porte Arse sur les créneaux de l’aultre et moulinant du voulge comme après une volée de trois cents flèches morteuses mais sans ja toucher vitalement aulcun corps, rebondissant au sol et sur les murs par appui sur sa lance, poussait les quarante de valetaille comme troupe de volaille par un huis très étroit.
Et ce fut là, devant cette nouvelle esbayante apparition que je vis, pour la première fois, sourire le sabreur.
Ce pendant, hors les murs, les mouvements se faisaient à la billebaude. Nos courseurs accrasés sur la porte de Buxereuilles s’étaient remis pour une part et manœuvraient à rebours vers la lice et la porte d’où partaient les quatre cents à vau-de-route, menant grand tapage d’affolerie.
Chascune des troupes cherchait confusément le bastard qui sortit comme un diable d’en sous les gradins, hurlant Par icy ! Par icy foutredieu !
À la fin, ils s’entendirent et tous se retrouvèrent sur les lieux, étonnés comme après un coup de foudre, béants, ahuris, dépassés.
Des créneaux nous n’entendions rien mais vitement il apparut que le bastard choisissait de se retirer. La mesure était comble. Il n’eut pu supporter non point d’échouer mais de seulement peiner à reprendre la ville. Un illuminé à salade, un sabreur maigre comme une trique et trois ou quatre traîtres l’avaient battu et chassé de Chaumont comme un chien corniaud le laissant, lui et ses gens, par dehors sans vivres ni trésor, quasi nu comme la main. Oui, il fit volte-face, et ce à la teste de quelque quatre cent trente gens d’arme devant les murs que nous aultres cinq braves avions pris ! Et ce ne fut point dans l’Histoyre retenu. Et ce pourtant je l’ay vu. Et quelle belle imagele que cette troupe derechef ordonnée battant la retraicte sous l’orage qui maintenant éclatait, lavant dans l’eau du ciel la journée tout entière et tonnant la nôtre victoire, haut et clair !
Tartas embrocha un bœuf complet mis à rost dans la cheminée de la salle des Demoiselles qui estoit la plus large, à beau feu. Je portai un muid de Gevrey dont je fis sauter le couvercle et les vapeurs espicées me plongèrent dans un charmement délicieux, il fallut me tenir de sauter dans le vin.
Ah quelle gogaille et beau convis ce fut !
Avec les provindes d’une troupe, nous avions de quoi faire carrousse trois ans de long. Chifïler à breuse directement, brifauder à s’en faire péter la panse, multiplier brindes et toasts, vivre enfin en grand revel et potaille continuelle. La joliveté accomplie !
Enguerrand et le sabreur, tous deux accroupis en tailleur dans un coin de la salle, buvaient en se tendant tour à tour le gobeau, sans parler. Tartas se joignit, portant demi-cuisse pour lui et trois belles costes à l’os pour l’assemblée, item Billy avec une miche de pain et les déz, item Dimanche-le-loup, item moy-mesme, item Vipère-d’une-toise qui prit sa place après nous avoir salués sur le seuil en posant à plat sa paume sur son poing à hauteur de ses œilz fendus.
Ainsi assis ou mi couchés, chascun parla plaisamment, la nuité durant, à tour de rôle selon l’humeur, bien courtoysement.
Et premièrement, Enguerrand conta comment il venait en droit chemin de Valence, capitale d’Aragon-Catalogne et des Deux-Siciles de Méditerranée et d’Espaigne, où quelque affaire d’honneur l’avait mené en duel contre un mossen Jaume de Ripoll, petit duc de sa personne, dont la sœur puterelle s’était éveillée un beau matin criant au loup et mandant réparation comme si le plaisir de la nuict se fut tout à coup changé en offense et brisure brûlante et mortifiante. À cestui béjaune, il avait longuement respondu lettre pour lettre mais l’affaire semblant ne devoir jamais finir pour cause qu’il fallait trouver un juge faict de telle et telle façon puis une lice de mesures tant et tant puis nombre de rois d’armes, héraults, poursuivants et trompettes, lesquels il fallait rassembler tel et tel jour entre tel et tel mois ne dépassant pas les six, qu’à la fin, perdant patience, Enguerrand avait tout bonnement égorgé le petit duc au coin d’une rue. Ce qui, selon les lois civiles valenciennes et l’étiquette chevaleresque, était une forfaiture. Adoncques laissant Valence par derrière lui
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