Bastard battle
l’œil de son adversaire, et de l’aultre main, il frappa un grand coup sur le pommeau et l’en transperça.
En cet instant précis, plusieurs actions différentes prirent simultanément leur départ et firent basculer le jour. Tout d’abord certainement, l’âme de Régnier prit ses aises et quitta l’assemblée. Dans le mesme temps, le bastard fit un geste et lors apparurent cernant les gradins, la lice et le chevalier qui retirait sa dague, une centaine de chevaux montés par des compaignons de réserve, les armes au clair. Un pan de barrière fut grand ouvert et lors, deux par deux, les chevaux en file pénétrèrent à toutes jambes dans le champ déclos où se tenait Enguerrand, épée en main.
Ce qui se passa par la suite fut très vite. Une frêle silhouette sauta des gradins et vint se placer aux costés du chevalier. En un clin d’œil, je reconnus le sabreur de Fontenay. Dos à dos, ces deux-là se mirent à cueillir les cavaliers au fur et à mesure de leur passage. Le sabreur coupait les jarrets des chevaux, net, en sous le genou, les deux d’avant d’un coup, et les bestes roulaient sur elles étouffant leur monteur. Enguerrand taillait dedans à tour de braz. J’eus le temps encor de voir Tartas saisir sa plus belle masse, sa Morning Star prise aux Angloys, et se poster sur les barrières de costés encor debout et taper dans les testes de nos compaignons. Je vis aussi Billy se ruer dans la meslée dans la lice, ramasser une douzaine de jambes de cheval et se mettre à couvert avec son butin. Très vitement, il en choisit deux, d’un jeune alezan cuivré, en ôta les sabots et retourna les peaux comme un gant. Après quoi il mit dedans ses propres jambes et ficela le tout au dessus de ses mollets. Ensuite, saisissant son arc et gueulant au bastard qu’il avait gaigné plus en une minute dans cette lice qu’en trois mois sous ses ordres, il rayonna les cavaliers qui prenaient élan sur le pré.
Ce que voyant, emporté moy-mesme et d’enthousiasme par ce beau garbouil, je posai ma jacqueline enfin vide et m’élançai sur les gradins en bastonnant à qui mieux mieux, vers le bastard que j’espérais prendre par surprise. Nonobstant, si je trouvai et pliai nombre de mes anciens compaings perdus et affolés, ne vis aulcune trace du Bourbon qui avoit dû s’envoler.
Je poursuivis un bon moment mes bastonnades, sautant sur les planches et envoyant ainsi en ribondaine des grappes entières de gaillards et par fois de vilains, tout à mon affaire, sans trouver le temps de pourpenser aultre-ment, bien à mes aises.
Je vis néanmoins Dimanche-le-loup approcher Billy dans la meslée et lui dire quelque chose à l’oreille en montrant le donjon.
Au cœur de la lice complètement éventrée, le sabreur et le chevalier continuaient de trancher emmi les hommes et les bestes hennissantes révulsées. À cette heure, des cent cavaliers de réserve, ne restait guère qu’une petite moitié en selle et les aultres, couchés par dedans ou par dehors, leur faisaient obstacle de malfaçon qui nous servait. Pour autant, nous savions que le bastard gardait quatre cens gens dans les murs et le moyen d’en finir ? C’est alors que j’entendis sonner la cloche de Sainct Jehan, à toute volée et une voix de fausset très perçante crier du haut du donjon À la rescousse ! Porte de l’Eau ! Tous hommes vaillants ! À la rescousse !
Et je compris. C’était Dimanche-le-loup, le faux-saulnier et parfait pipeur qui appelait les gens de l’intérieur à sortir par la porte de l’Eau c’est à savoir la plus lointaine du combat, et nous offrait ainsi un possible repli dans les murs mesmes que les aultres quittaient.
Billy, Tartas et moy nous portâmes de concert au centre du garbouil pour emporter Enguerrand et son compère de sabreur. Chascun un cheval, Billy par devant, au galop soutenu, nous filâmes vers la porte de Buxereuilles, une trentaine de cavaliers encor vifs à nos trousses. Dimanche-le-loup nous attendait pour baisser la herse, ce qu’il fit vitement au cul du destrier d’Enguerrand qui fermait la marche. Nos suiveurs s’accrasèrent méchamment sur les barreaux. On leur ficha par en plus quelques coups d’hast bien sentis et bon vent.
— La porte de l’Eau est-elle fermée ?
— Point encore, quelqu’un s’en charge.
Billy fila par la rue des Poutils et coupa à senestre jusqu’à la tour de l’horloge, ressortit en trombe sur la place de la Halle et vit, comme
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