Bastard battle
les pieds devant et les coilles au bec.
Et ne différez pas cinq jours de long, je vous attends dans la joie. Nous verrons laquelle de nos lances, de la vôtre ou de la mienne, compte le plus d’empans. Et je ne sépare rien par ABC, espèce de notaire délirant et rond de cuir faisandé, et je signe de mon bran, sans scel mais bien espicé,
Aligot de Bourbon, second bastard du nom.
L’Estrac partit ventre à terre sur un fort chasseur, sa missive odorante passée en sous la vêture. Nonobstant, il ne revint pas comme convenu le midi. Mal gré qu’il en ait, le bastard dut attendre les cinq jours dits. Après s’être tourné et retourné dans la place, il ordonna qu’on dresse une façon de champ clos à l’ancienne dans le pré par devant le faubourg des tanneries où, disait-il, la chevalerie méritait d’être traitée et cestui-là en particulier, que l’odeur ne dépayserait pas. Ainsi furent montées quelques barrières à bœufs pour limiter la lice et double gradin de planches sur ses costés. Deux tentes à auvent d’un bout et de l’aultre, flanquées chascune d’étendards de fantaisie dont un était le mantel du bailly Boudricourt et l’aultre on ne sut quelle défroque de méchant lépreux. Enfin on plaça dans chascuns des camps une série de lances de divers enpams, à billette et hors billette, des salades d’acier et des caparaçons d’occasion pris dans les coffres des estuves chaumontaises. Aultrement dit, draps et rideaux de bourdeau.
Ce pendant, Tartas et moy parcourions la campagne, nous enquerrant d’Enguerrand en toute masure sur le chemin de Challencey. Et nous eûmes tôt fait de l’en-contrer ! Marchant tranquillement à recoi, à l’amble de son destrier, couvert de maille, le haubert au chef viaire levé et poussant devant lui par la pointe de l’hast le Grand Estrac aux mains liées.
Depuis Challencey où l’aultre l’avait trouvé, il avançait ainsi sans presser le pas, d’étape en étape pour couvrir les cinq jours convenus par lettre de bataille. Son escorte s’engrossissait de mieux en mieux de toute une menuaille de gens curieux et badauds et plus que tout vindicatifs qui avaient eu maille à partir de façon ou d’aultre avec le bastard qu’ils maudissaient haut et fort. C’est pourtant seul et le Grand Estrac par devant qu’arriva Enguerrand aux portes de Chaumont au cinquième jour, la piétaille s’étant prudemment dispersée à distance.
— Maintenant, fais ton office émissaire !
— Va te faire bouter chevalier corniaud de mes coilles !
— Ttt, dit Enguerrand, quel langaige discourtois. Puis il lui enfonça la pointe de sa lance dans le gras du col et l’aultre fit très bien son émissaire, claironnant à plein ventre, esbranlant les remparts.
Le bastard se précipite à l’avant porte de Buxereuilles alarmant tous ses gens sur son passage. Juché sur la tour il gueule ainsi :
— Qui va là qui fait tant de noise pour si peu ?
— Votre émissaire, BB, bastard bourbonnais ou votre lieu tenant si j’en crois votre lettre.
— Toy, l’imbécile au bassinet, je te retrouve au champ clos sous la ville, décanille ! et laisse icy mon escuyer, j’ai un mot à lui dire.
Lequel mot était « crève ! » et fut accompagné du premier traict tiré ce jour quatre septembre mil quatre cens trente-sept.
Ce pendant le quartier des tanneurs s’emplissait et déjà sur les gradins se pressait une petite foule faicte des gens du bastard envoyés par devant et de quelques dizaines de gueux de la hourde d’Enguerrand qui s’étaient rassurés mutuellement. Icelui passa dans l’héberge flanquée du mantel de Boudricourt, délia ses estriers, serra sa cotte de mailles, flatta son cheval et empoigna son épée de six empans. Face au chevalier, non point le bastard mais un aultre de ses escuyers s’harnachait lourdement. Le Bourbon, de faict, tenait sans vergogne le haut des gradins et tonnait qu’il était le roy et que le roy en aulcun cas ne s’abaisserait à guerroyer un chevalier d’aventure avant qu’il n’ait fait ses preuves de bravoure et hardement. Au signal, les deux cavaliers s’élancèrent dans la lice. Les sabots tonnaient et faisaient trembler les gradins tout entiers sur lesquels hurlaient les supporters du bastard, tous ses gens, pour la victoire en un coup du lieutenant Guillot le Noisy. Cestui-là était plein de morgue et fonçait à triple galop sur l’ennemy, la lance au poing, ferme et droite.
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