Bataillon de marche
vitesse, et Porta entra en toute simplicité.
– Mon adjudant, Stabsgefreiter Porta, 5 e compagnie de chars, en service de garde, rapporte à mon adjudant que, sur ordre du commandant de la prison, il doit réviser les machines à écrire et autre matériel de bureau.
Comme preuve, Porta présentait une sacoche d’outils en cuir noir.
– Sur l’ordre de qui ? – Dorn en avait la bouche ouverte.
– Le colonel Vogel, mentit Porta avec aplomb, tout à fait certain qu’aucun être vivant ne s’aviserait de contrôler cette monstrueuse affirmation. Bien qu’invraisemblable, elle risquait d’être vraie, et dans ce cas, toutes les puissances du ciel se seraient déchaînées sur le simple d’esprit qui eût osé poser des questions. Personne n’aurait pénétré dans l’orbite du colonel Vogel sauf nécessité absolue.
– Alors faites, que diable ! hurla Dorn furieux. Vous n’avez qu’à obéir et plus vite que ça.
Porta s’empara d’un chiffon et d’une burette d’alcool ; il soufflait par-ci, visait par-là.
– Ça va durer longtemps ? gronda Dom.
– On ne sait jamais, mon adjudant, répondit suavement le rouquin.
Dorn voulut parler, mais tout ce qu’il sortit fut :
– Enfer ! – et il se tourna vers Barcelona Blom.
– Et vous, feldwebel, que voulez-vous ?
– Mon adjudant, le feldwebel Blom annonce suivant les ordures reçus de son chef de section feldwebel Beier..
– Exprimez-vous convenablement, interrompit Dorn.
– Mon adjudant… recommença militairement Blom.
– Parlez comme un être humain, que diable ! hurla Dorn en assenant un coup de poing sur la table.
Cette fois Barcelona capitula et se décida à parler clairement.
– Le Strabsfeldwebel Gustav Dürer est clamecé. Il se trouve dans le couloir du bloc 6, devant le poste inférieur.
Dorn laissa échapper son cigare :
– Qu’est-ce que vous dites ?
_Le Stabsfeldwebel a été étranglé, mon adjudant.
Dorn ramassa le cigare et l’examina. L’expression ahurie n’avait pas quitté son visage.
– Ce n’est pas possible que Gustav se soit fait étrangler ! Qu’avait-il mangé ?
– Je ne sais pas mon adjudant. Le prisonnier feldwebel Lindenberg l’a bousillé. – Et Barcelona appuyait ses dires de gestes explicatifs.
– Ne restez pas là à faire l’idiot ! – Dorn se montait. – Et ne parlez pas par énigmes. Racontez-moi ce qui s’est passé.
Au fur et à mesure du récit, ses hurlements s’amplifièrent, coupés de menaces de maux plus épouvantables les uns que les autres.
Pendant ce temps, Porta qui astiquait avec vigueur observait la scène de son coin près de la fenêtre ; lorsque la situation parut mûre, il entra en action.
– Mon adjudant, le Stabsgefreiter Porta demande avec respect s’il doit aussi visiter la table à écrire ? Il arrive que les tiroirs ne glissent pas bien.
Dorn se retourna d’une pièce et lança à Porta un regard venimeux.
– Qu’est-ce que vous foutez encore ici ?
– J’annonce à mon adjudant que je révise les machines à écrire sur l’ordre du colonel.
– Alors révisez, par l’enfer ! Révisez toute cette merde, et bouclez-la ! Vous me cassez les pieds.
– Mais le colonel a dit… commença Porta.
Dorn fit un pas vers lui avec le désir visible de l’étrangler aussi.
– Un mot de plus et il y en aura deux de morts ! Foutez-moi la paix avec vos conneries au moment où on a assassiné Gustav ! – Dorn goûta le mot « assassiné » et en accentua la signification. Il regarda fixement devant lui :
– Qui était de garde ?
Barcelona nia connaître ces détails.
– Une bande de cochons qui est de mèche avec les prisonniers ! Si on continue comme ça, la guerre est foutue. Ces bandits vont apprendre à me connaître. Jusqu’ici j’ai été gentil, mais maintenant on va voir ! Aucun de vous n’oubliera Joachim Dorn. Assassiner
Gustav ! Mon meilleur collaborateur ! C’est… c’est…
Il essaya d’allumer son cigare qui s’était éteint dans Je feu du discours mais n’y parvint pas. Le cigare fut réduit en bouillie, et Dorn s’en fut en chercher un autre dans le tiroir du chef de section. Une marque au crayon presque imperceptible lui permettait de contrôler si quelqu’un d’autre avait le front d’ouvrir ledit tiroir.
Il s’installa les jambes écartées devant Barcelona et coupa en connaisseur la pointe du cigare. Il se mit à fumer ; le gros cigare était
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