Bataillon de marche
vraiment un réconfort.
– Qui vous a nommé feldwebel ? dit-il en fixant Barcelona.
Il n’entendit pas la réponse de Barcelona où il était question de quelque lieutenant-colonel du 36 e régiment de chars à Bamberg, un régiment convenable peuplé de Bavarois et d’Autrichiens qui ne gueulaient pas comme ces Prussiens. Ce à quoi il n’arrivait pas à s’habituer. Il regrettait souvent le 36 e régiment de chars.
– Vous ressemblez à un bifteck mal cuit, tout juste bon à être donné aux chiens, gronda Dorn.
– Oui, fit Barcelona, toute protestation ayant été démentielle.
– Mon adjudant ! cria Porta rayonnant. Les tiroirs ont été frottés de talc et glissent facilement. Dois-je frotter aussi ceux du major ?
– Vous ! rugit Dorn qui tournait au rouge cuivre. Vous m’e-xas-pé-rez ! J’ai autre chose que vos tiroirs sur les bras ! Quelque chose de gekados !
Il saisit le ceinturon qui soutenait l’étui du revolver, le boucla, appliqua sur son crâne la casquette de cavalerie non réglementaire et fila comme un chat sauvage jusqu’à la chambre de garde du vieux où il entra comme une bombe.
– C’est vous qui avez eu Jern Gustav ? Ça vous fera pendre ! – Il regarda méchamment autour de lui. – Où est ce cadavre, ce cadavre de merde !
Alte s’engagea dans le couloir et désigna le mort toujours étendu par terre.
– Bon travail, fit Dorn en connaisseur. – Il regarda les marques noires sur le cou de l’homme assassiné. – Mais cette plaisanterie coûte la tête.
Il fit la constatation du décès et procéda à l’interrogatoire. Au fond de lui-même quelque chose remerciait Jern Gustav de lui donner l’occasion de se montrer. Il vérifia avec beaucoup de précision les dires d’un chacun, et arbora le calme d’un président d’assises, mais il le perdit toutefois devant le détail des occupations de Petit-Frère durant le meurtre.
– Obergefreiter Oreutzfeld ! cria-t-il, votre vue seule me soulève le cœur ! Votre place est à l’asile et non dans une armée convenable. Disparaissez ! – Il se tourna vers Alte. – Feldwebel Beier, occupez cet homme à n’importe quoi ! Faites-lui nettoyer les cabinets jusqu’à ce qu’il en crève, mais ôtez-le de ma vue !
Dorn se dirigea alors vers la cellule de Lindenberg. Il menaça le condamné à mort de la mort, expliqua ce que c’était qu’être battu à la Gestapo, affirma que l’affaire irait justement à la Gestapo et que lui Dorn allait s’en charger, et à fond. Sa surprise fut immense en entendant Lindenberg lui affirmer en quelques mots bien sentis qu’il les emmerdait tous. Il avait étranglé Jern Gustav et en était ravi.
Dorn ouvrait et fermait la bouche. Il était devenu muet. Lindenberg devait évidemment être un fou furieux. Personne de normal n’avouait avoir tué un supérieur. Ça passait l’entendement.
– Vous n’êtes pas bien, Lindenberg ? demanda-t-il avec précaution. Vous vous êtes cogné la tête ?
– Je vais très bien, foutez-moi la paix.
Dorn n’arrivait même plus à l’injurier. Il s’en alla tout simplement. Tout était gâché à cause de cet aveu. Un véritable assassinat ne se terminait jamais aussi vite ; maintenant il ne restait plus que quelques idiots de papiers à remplir pour que Jeirn Gustav puisse être rayé des cadres. Bt le Hauptfeldwebel Dorn rentra dans son bureau en courant.
– Bande de cochons ! gronda-t-il en ouvrant la porte.
– Pardon ? dit une voix étonnée.
Dom fut sur le point de hurler, mais il rentra son hurlement en apercevant l’homme qu’il avait devant lui. Il claqua des talons et aboya de la façon la plus militaire :
– Heil Hitler ! mon commandant. Mon commandant a bien dormi cette nuit ?
Le major – un ci-devant assureur à Innsbruck, et un débris de l’armée impériale – se croyait toujours à sa compagnie d’assurances et considérait le Hauptfeldwebel comme une sorte de collègue de bureau avec lequel on se trouvait sur un pied d’égalité. Il ne lui vint jamais à l’idée que, dans son for intérieur, le feldwebel prussien avait pour l’aimable et galant major le plus profond mépris.
– Merci, mon cher Dorn, j’ai fort bien dormi, pépia le major en caressant sa moustache blonde que Dorn appelait « un duvet de puceau ». Qu’avez-vous à me raconter aujourd’hui, mon cher Dorn ?
Le Hauptfeldwebel trompetta, en pensant à part lui : « Avec ça, vieil
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