Belle Catherine
prendre la tête de sa cavalerie. Arnaud le suivit, Fortunat qui désormais lui servait d'écuyer sur les talons. En passant devant sa femme, il leva sa main gantée de fer noir et sourit.
Mais l'étrange inquiétude éprouvée la nuit précédente reprit Catherine. Le sourire d'Arnaud était d'une affreuse tristesse et ses traits tirés comme s'il n'avait pas fermé l'œil de la nuit.
Pourtant, l'attention de Catherine se détacha subitement de son époux. En face d'elle, presque à sa hauteur, un homme d'armes se tenait debout sur le chemin de ronde, appuyé des deux mains à un fauchard étincelant. Le camail d'acier enchâssait un large visage à la peau olivâtre, aux petits yeux porcins qui semblaient gros comme des têtes d'épingle.
L'homme riait méchamment en la regardant et Catherine, stupéfaite, reconnut le sergent Escornebœuf, le chef de l'escorte que Xaintrailles leur avait donnée à Bourges et qui avait disparu si mystérieusement de l'abbaye d'Aurillac après avoir été corrigé par Arnaud.
Instinctivement, elle se rejeta en arrière, dans l'ombre de sa chambre, appelant Sara auprès d'elle d'un geste. Elle lui désigna l'homme qui n'avait pas ; bougé.
— Regarde, dit-elle. Tu le reconnais ?
Sara fronça les sourcils mais haussa les épaules.
— Je sais depuis hier soir qu'il est ici. Je l'avais reconnu. Il paraît qu'il est venu à Carlat tout droit en quittant Aurillac, et c'est normal, à ce que l'on dit, puisque c'est à la fois tout près de la ville et la seule forteresse du maître d'Escornebœuf, le comte d'Armagnac. Il n'est donc pas étonnant de le voir ici.
— Arnaud le sait ?
— Oui. Il a un œil auquel rien n'échappe. Mais Escornebœuf lui a présenté des excuses après avoir demandé au comte Bernard de plaider pour lui. Oh, j'ai bien vu que cela ne plaisait guère à messire Arnaud, mais il ne pouvait pas refuser.
— Des excuses ! murmura Catherine sans perdre de vue l'immense sergent. Je n'y crois guère.
Il suffisait de voir le sourire menaçant du gros homme pour comprendre que ces excuses n'étaient qu'une ruse, cachant sans doute un profond désir de vengeance.
— Moi non plus, fit Sara. Et il y a plus inquiétant. Hier soir, j'ai vu Escornebœuf près de la chapelle. Il parlait avec ton amie Marie et la conversation était animée, je t'assure. Mais, lorsqu'ils m'ont vue, ils se sont séparés...
— Etrange ! fit Catherine en tordant le bout d'une de ses nattes entre ses doigts. Comment pourraient-ils se connaître ?
Sara cracha par terre avec un dégoût non dissimulé.
— Cette fille est capable de tout, fit-elle. Tu sais, elle serait un peu sorcière que cela ne m'étonnerait pas. Elle aura deviné en Escornebœuf quelqu'un d'aussi malfaisant qu'elle-même.
La porte s'ouvrit, sans que personne y eût frappé. Isabelle de Montsalvy apparut, vêtue de noir de la tête aux pieds. Un long manteau l'enveloppait du col aux talons et un escoffion de voile, noir aussi, donnait à son visage mince une hauteur impressionnante. Dans l'ombre de son manteau, on apercevait la figure de fouine de Marie. La mère d'Arnaud s'arrêta au seuil et, sans même un salut :
— Venez-vous ? dit-elle. La messe va commencer...
— Je viens, fit seulement Catherine.
Elle prit un manteau à capuchon, s'en enveloppa, rabattit la capuche sur sa tête nue et suivit sa belle- mère après avoir posé un baiser léger sur le front de Michel que Sara avait déposé au creux des oreillers du grand lit.
Le soleil était à son déclin lorsque Arnaud regagna le château. Avec Fortunat et la dizaine d'hommes qu'il avait emmenés, il avait battu les alentours pour s'assurer que rien de suspect ne s'y dissimulait. Ensuite, il s'était arrêté assez longuement au village de Carlat pour interroger les notables, examiner les réserves de vivres et aussi tenter d'insuffler un peu d'espoir à ces paysans découragés qui, depuis des années, vivaient en alerte perpétuelle, prêts à chaque instant à fuir ou ! à se battre.
Deux choses frappèrent Catherine quand Arnaud entra dans la grande salle, nettoyée à fond et jonchée de paille fraîche, où la famille l'attendait pour souper : l'expression soucieuse de son visage et le fait qu'il n'avait pas ôté son armure. Il lui parut plus pâle encore que le matin. Tout de suite alarmée, elle courut à sa rencontre, tendant déjà les bras pour l'étreindre, mais il la repoussa doucement.
— Non, ne m'embrasse pas, ma mie ! Je suis
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