Ben-Hur
semblable au sien. Une idée nouvelle s’empara de lui et il demanda à Thord combien Messala lui avait promis pour se débarrasser de lui ?
– Mille sesterces…
– Tu les auras, et je t’en donnerai mille autres, si tu veux faire ce que je te dirai.
Le géant réfléchit un moment.
– J’en ai gagné cinq mille, hier, au cirque ; le Romain m’en donnera mille, cela fait six… Donne-m’en quatre mille, bon Arrius, et je ferai tout ce que tu voudras, quand même le vieux Thord, dont je porte le nom, me frapperait de son marteau. Donne-m’en quatre, et je tuerai le patricien dans son lit, je n’aurais pour cela qu’à lui poser la main sur la bouche, ainsi…
Il illustrait son discours en appliquant sa large main sur son propre visage.
– Je te donnerai les quatre mille sesterces sans que tu sois obligé, pour ce prix, de tacher tes mains de sang, répondit Ben-Hur. Écoute-moi. Ton ami, que voilà, ne me ressemble-t-il pas ?
– On dirait deux pommes du même arbre.
– Si je mets sa tunique, que je l’habille avec mes vêtements et que nous sortions ensemble en le laissant ici, Messala ne te payerait-il pas ? Tu n’aurais qu’à lui faire croire que ce cadavre est le mien.
Thord se mit à rire de si grand cœur que les larmes coulaient de ses joues.
– Ah ! ah ! ah ! mes dix mille sesterces auront été facilement gagnés. Je pourrai ouvrir une échoppe et vendre du vin près du grand cirque de Rome, tout cela pour un mensonge, sans avoir répandu une goutte de sang. Donne-moi ta main, fils d’Arrius, et si jamais tu viens à Rome, ne manque pas de t’informer de l’échoppe de Thord, le Saxon, et par la barbe d’Irmin, je te donnerai à boire de mon meilleur vin.
Ils se serrèrent la main, puis ils firent l’échange des vêtements, après quoi ils se dirigèrent vers la grande porte, qui s’ouvrit, après que le géant y eût frappé quelques coups.
Dans la soirée de ce jour mémorable, Ben-Hur fit à Simonide le récit de ce qui s’était passé au palais d’Idernee et ils décidèrent qu’au bout de quelques jours une enquête publique serait faite, au sujet de la disparition du fils d’Arrius. Éventuellement, le cas serait porté à la connaissance de Maxence, après quoi, si rien ne venait éclaircir cette mystérieuse affaire, on pourrait être certain que Gratien et Messala se tiendraient en repos et que Ben-Hur serait libre d’aller à Jérusalem pour y chercher sa famille.
Au moment des adieux, Simonide se trouvait sur la terrasse qui dominait la rivière, il prit congé du jeune homme en lui donnant une bénédiction paternelle. Esther l’accompagna jusqu’à l’escalier.
– Si je retrouve ma mère, Esther, tu iras auprès d’elle à Jérusalem et tu seras une sœur pour Tirzah, dit-il en l’embrassant.
Était-ce seulement un baiser de paix qu’il déposait ainsi sur son front ?
Il traversa encore une fois la rivière pour regagner son hôtellerie. Il y trouva l’Arabe qui devait lui servir de guide, et commanda les chevaux.
– Celui-ci est à toi, lui dit l’Arabe en lui en désignant un. Ben-Hur reconnut Aldébaran, le plus rapide, le meilleur des fils de Mira, le préféré du cheik après Sirius, et il comprit que le vieillard avait mis tout son cœur dans ce présent.
Le cadavre trouvé dans l’atrium du palais d’Idernee fut enseveli pendant la nuit et, sans attendre le jour, Messala dépêcha un courrier à Gratien, afin de lui annoncer que la mort de Ben-Hur était, cette fois, absolument certaine.
CHAPITRE XXXII
Trente jours s’étaient écoulés depuis la nuit où Ben-Hur quittait Antioche pour suivre le cheik Ilderim au désert, et un grand événement avait eu lieu en Judée. Gratien venait d’être remplacé par Ponce-Pilate.
Peu de jours suffirent pour convaincre les Juifs que ce changement ne constituait point pour eux un avantage. La cohorte envoyée pour relever la garnison de la tour Antonia fit son entrée dans la ville, de nuit ; le matin suivant, les murailles de la vieille citadelle s’offrirent aux yeux du peuple ornés d’insignes militaires, aigles et globes, auxquels se trouvaient mêlés des bustes de l’empereur. Une multitude de Juifs, exaspérés, montèrent à Césarée où Pilate se trouvait encore, pour le supplier de faire enlever ces images détestées. Cinq jours et cinq nuits durant ils assiégèrent les portes de son palais ; enfin, il annonça qu’il leur
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