Ben-Hur
pour réfléchir à sa situation, et regarda autour de lui avec un sourire de défi. Il lui serait aisé de se servir des meubles pour se défendre. Des oiseaux pouvaient mourir de faim dans des cages d’or, mais lui, il ne se laisserait pas réduire à cette extrémité ; il était fort et la colère décuplerait ses forces !
Messala lui-même ne viendrait pas l’assaillir, n’était-il pas pour la vie impotent comme Simonide ? Mais rien ne l’empêchait de faire marcher les autres pour lui. Ben-Hur se leva et fit encore un effort pour ouvrir les portes ; puis il appela, l’écho seul lui répondit ; il résolut d’attendre encore un moment, avant d’essayer de se frayer un passage de vive force.
Il se mit à réfléchir avec plus de calme à tout ce que sa situation avait d’étrange, et peu à peu il en arriva à se persuader qu’il était simplement victime d’une erreur accidentelle. Le palais ne pouvait être absolument inhabité, il devait s’y trouver un gardien qui certainement ferait sa ronde vers le soir. Jusque-là il ne lui restait qu’à prendre patience. Une demi-heure, que Ben-Hur avait trouvée longue comme une éternité, s’écoula ainsi, puis la porte par laquelle il était entré s’ouvrit et se referma si doucement qu’il ne s’en aperçut même pas, assis qu’il était à l’autre bout de la pièce. Bientôt cependant il sursauta en entendant le bruit d’un pas qui se rapprochait.
– Enfin, la voilà ! se dit-il joyeusement.
Mais, les pas étaient lourds et semblaient ceux d’une personne chaussée de grossières sandales. Les colonnes dorées empêchaient Ben-Hur de rien voir ; il s’avança tranquillement et s’appuya contre l’une d’elles. Alors des voix s’élevèrent, des voix d’hommes rudes et gutturales. Il ne les comprenait pas, car ces hommes s’exprimaient en un langage inconnu en Orient et au midi de l’Europe. Ils s’avançaient lentement, examinant curieusement tous les objets qui se trouvaient sur leur passage, enfin ils s’arrêtèrent devant une statue, sur laquelle la lumière du jour tombait en plein.
Les craintes de Ben-Hur, déjà éveillées par le mystère qui entourait sa présence dans ce palais, prirent une forme déterminée quand il reconnut dans l’un de ces hommes le Saxon qui figurait la veille au nombre des vainqueurs du cirque.
Il jeta un coup d’œil sur l’individu qui accompagnait le gladiateur ; il était jeune, ses yeux et ses cheveux noirs, aussi bien que toute sa physionomie, auraient pu le faire passer pour un Juif ; il portait, comme son camarade, le costume que les gens de sa profession mettaient pour combattre dans les arènes. Un sûr instinct avertissait Ben-Hur qu’un meurtre à commettre pouvait seul avoir amené les deux acolytes dans ce palais, et que lui-même avait été attiré dans un odieux guet-apens, afin de périr, loin de tout secours, dans cette demeure privée où personne ne songerait à venir le chercher.
Mais il n’allait pas se laisser égorger sans se défendre ! Il vendrait en tous cas chèrement sa vie. Jusqu’alors il avait souffert de la part des autres, depuis la veille il semblait qu’un changement se fût produit dans sa vie et que ce fût à son tour de devenir l’agresseur. Messala avait été sa première victime et il songeait à lui sans remords, certain d’avoir agi selon les instructions de la loi. Il avait puni son ennemi, il en avait triomphé avec la permission de l’Éternel et il puisait du courage dans cette certitude. Il se disait que sa protection ne lui ferait pas défaut dans le danger de l’heure présente. D’ailleurs n’était-il pas appelé à se dévouer au service du roi qui allait paraître et pouvait-il avoir peur, au moment d’entrer dans la voie que Dieu lui-même ouvrait devant lui !
Fort de cette pensée il détacha sa ceinture, jeta loin de lui sa longue robe de Juif, et vêtu seulement d’une tunique de dessous, assez semblable à celles que portaient ses antagonistes présumés, il croisa les bras et attendit.
Les deux hommes venaient de terminer l’inspection de la statue. Le Saxon se retourna, dit quelques mots à son compagnon, dans son langage incompréhensible, puis tous deux s’avancèrent vers Ben-Hur.
– Qui êtes-vous ? leur demanda-t-il en latin.
Le Saxon ébaucha un sourire qui ne réussit pas à rendre l’aspect de son visage moins brutal et répondît :
– Des Barbares
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