Ben-Hur
et de faire d’eux des soldats capables de se mesurer avec des Romains, un homme parut dans la cour, le visage en feu, les yeux brillants d’excitation.
– Que faites-vous ici ? dit-il aux Galiléens. Les rabbis et les anciens quittent le temple pour se rendre auprès de Pilate, allons en hâte nous joindre à eux.
Ils se groupèrent en un clin d’œil autour de lui.
– Auprès de Pilate ! Pourquoi faire ?
– Ils ont découvert une conspiration. Le nouvel aqueduc de Pilate doit être payé avec l’argent du temple.
– Comment ! Avec le trésor sacré ?
Ils se répétaient cette question avec des voix indignées.
– C’est Corban – l’argent de Dieu. Qu’il en touche un sicle, s’il l’ose !
– Venez ! cria le messager. À l’heure qu’il est, le cortège doit avoir passé le pont. Toute la ville le suit. On pourrait avoir besoin de nous, hâtons-nous.
Tous ensemble ils jetèrent leurs robes loin d’eux, puis la tête nue, vêtus seulement de la tunique sans manches qu’ils portaient pour moissonner leurs champs, pour ramer sur le lac, pour garder leurs troupeaux, aux flancs des collines, ou cueillir les grappes mûres dans les vignes, sans souci du soleil, ils bouclèrent leurs ceintures en disant : Nous sommes prêts.
Alors Ben-Hur s’approcha d’eux.
– Hommes de Galilée, leur dit-il, je suis un fils de Juda. Voulez-vous m’accepter comme l’un des vôtres ?
– Il nous faudra peut-être combattre, répondirent-ils.
– Soyez sans crainte. Je ne serais pas le premier à m’enfuir.
Ils prirent la plaisanterie en bonne part, et le messager s’écria :
– Tu parais vigoureux, viens donc avec nous.
Ben-Hur se dépouilla de ses vêtements inutiles.
– Vous pensez donc être obligés de vous battre ? dit-il en serrant sa ceinture, – mais contre qui ?
– Contre les gardes.
– Des légionnaires ?
À qui d’autres les Romains pourraient-ils se fier ?
– Quelles armes avez-vous ?
Ils se regardèrent en silence.
– Nous ferons ce qui sera en notre pouvoir, continua-t-il, mais ne serait-il pas bon que nous nous choisissions un chef ? Les légionnaires en ont toujours un, ce qui leur permet d’agir avec ordre.
Les Galiléens fixèrent sur lui des regards étonnés ; évidemment ils n’avaient pas songé à cela.
– En tous les cas, restons le plus près possible les uns des autres, reprit-il. Et maintenant partons, je suis prêt.
Le caravansérail où ils se trouvaient était situé à l’une des extrémités de la ville, et pour rejoindre le cortège, ils avaient un long chemin à faire. Ils s’engagèrent dans des rues méritant à peine ce nom, tant elles étaient étroites et tortueuses. Lorsqu’ils arrivèrent sur le mont de Sion, devant le palais d’Hérode, que les Romains appelaient le prétoire, les anciens et les rabbis y étaient déjà entrés avec une grande suite, moins grande pourtant que la foule houleuse restée devant la porte près de laquelle un centurion et ses hommes montaient la garde. Le soleil dardait en plein ses rayons sur les casques et les boucliers des soldats, mais ils restaient à leur poste, également indifférents à la chaleur du jour et aux déclamations de la populace. Des citoyens allaient et venaient par la porte de bronze, grande ouverte.
– Que se passe-t-il ? demanda un des Galiléens à quelqu’un qui sortait du prétoire.
– Rien, lui répondit-on ; les rabbis demandent à voir Pilate, qui a refusé de sortir dans la cour pour leur parler. Ils lui ont fait dire qu’ils ne s’en iraient point qu’il ne les eût entendus. Ils attendent.
– Entrons, dit tranquillement Ben-Hur ; il comprenait mieux que ses compagnons qu’il ne s’agissait pas seulement d’un différend à régler entre les plaignants et le gouverneur, mais d’une question plus sérieuse, celle de savoir lequel des deux partis ferait triompher sa volonté.
Il y avait, dans la cour qui s’étendait au-delà de la porte, une rangée d’arbres sous lesquels on avait placé des bancs. Tous les passants juifs évitaient soigneusement l’ombre projetée par ces arbres sur le pavé, car, si étrange que cela puisse paraître, une ordonnance rabbinique, soi-disant fondée sur la loi, défendait que quoi que ce soit de vert fût planté dans les murs de Jérusalem. On prétendait que Salomon lui-même, désirant avoir un jardin pour son épouse égyptienne, avait
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