Ben-Hur
?
– Il voyageait avec lui, et il a vu les lépreux l’appeler et s’en retourner guéris. Il y en a eu un d’abord, puis dix et tous furent nettoyés.
Elle demeurait silencieuse, songeant à ce que sa fidèle servante venait de lui apprendre, et s’efforçant de croire à la puissance de cet homme mystérieux. Elle ne mettait pas en question la réalité des guérisons dont son fils avait été le témoin, mais elle se demandait de qui il tenait le pouvoir d’accomplir de pareils miracles. Ses doutes et ses hésitations furent toutefois de courte durée et elle s’écria :
– Tirzah ! ce doit être le Messie !
Elle parlait comme une femme israélite à qui les promesses faites par Dieu à sa race étaient familières et dont le cœur éclatait de joie à la seule pensée de la réalisation possible de ces promesses.
– Il fut un temps où Jérusalem et toute la Judée retentirent du bruit de sa naissance. Je m’en souviens encore. Celui dont on parlait alors doit être un homme maintenant. Oui, Amrah, nous irons avec toi.
Tirzah commençait à partager la confiance des deux femmes, qu’un seul souci troublait maintenant. Amrah disait que cet homme devait venir de Béthanie, mais trois routes conduisaient de cette bourgade à Jérusalem, ou plutôt, trois sentiers : l’un passait par le mont des Oliviers, l’autre le contournait, le troisième enfin suivait le vallon le séparant du mont des Offenses. Ils n’étaient pas bien distants les uns des autres, assez pourtant pour que les deux infortunées courussent le risque de manquer le passage du Nazaréen.
La mère se convainquit bientôt qu’Amrah ne connaissait absolument pas la contrée qui s’étendait au-delà du Cédron, et qu’elle ne savait pas davantage quels étaient les projets de l’homme à la rencontre duquel elles désiraient se rendre ; elle comprenait également qu’Amrah et Tirzah comptaient se laisser guider par elle, et elle accepta tacitement cette charge.
– Allons d’abord à Bethphagé, leur dit-elle, si la faveur du Seigneur est avec nous, nous apprendrons là de quel côté nous devrons nous diriger ensuite.
Elles descendirent la colline jusqu’au jardin du roi, puis elles s’arrêtèrent au bord de la route tracée par les pas des voyageurs au cours des siècles.
– J’ai peur de ce chemin, dit la matrone, il vaut mieux pour nous que nous nous faufilions entre les rochers et les arbres. Il y à une fête à Jérusalem et j’aperçois là-bas, sur les collines, une grande multitude. Si nous traversons le mont des Offenses, nous l’éviterons peut-être.
Tirzah, qui jusque-là avait marché avec peine, sentit son courage faiblir à l’ouïe de ces paroles.
– Le mont est escarpé, mère, je ne pourrais le gravir.
– Rappelle-toi que nous allons retrouver la santé et la vie. Regarde, ma fille, comme le jour se lève radieux, et puis ne vois-tu pas ces femmes qui viennent de notre côté, pour se rendre au puits ? Si nous restons ici, elles nous jetteront des pierres. Viens, fais un effort, il le faut.
C’est ainsi qu’elle s’efforçait, bien qu’elle souffrît elle-même mille tortures, d’encourager sa fille. Amrah aussi vint au secours de Tirzah ; jusqu’alors elle n’avait pas touché les deux affligées et celles-ci n’y auraient pas consenti, mais maintenant, sans tenir compte du danger qu’elle courait, ni des protestations de Tirzah, elle passa son bras autour des ses épaules en lui disant :
– Appuie-toi sur moi. Je suis forte, bien que je sois vieille. – Maintenant tu pourras avancer.
Quand enfin elles s’arrêtèrent au sommet de la montagne, et qu’elles virent devant elles le Temple et ses terrasses, Sion et ses tourelles, la mère sentit l’amour de la vie s’éveiller en elle.
– Regarde, Tirzah, s’écria-t-elle, comme le soleil fait reluire les plaques d’or de la belle porte ! Te souviens-tu du temps où nous avions coutume de nous y rendre ? Que ce sera beau de pouvoir le faire encore ! Et songe donc que notre maison n’est plus bien loin de nous ; il me semble l’apercevoir au-dessus du toit du lieu très saint, et Juda sera là pour nous recevoir !
Elles reprirent bientôt leur marche ; le soleil, déjà haut au-dessus de l’horizon, les avertissait de la nécessité de se hâter, mais malgré tous les efforts d’Amrah pour soutenir Tirzah, qui chancelait à chaque pas, la pauvre fille s’affaissa sur
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