Ben-Hur
d’autre trace que leurs vêtements souillés.
– Jamais on n’avait entendu raconter rien de semblable en Israël, murmurait tout bas Simonide.
Pendant qu’il parlait, Amrah se dirigeait sans bruit vers la porte et se glissait hors de la chambre sans que personne prît garde à elle.
– Vous pouvez vous imaginer les pensées que toutes ces choses soulevaient en moi, cependant ma perplexité devait grandir encore. Les Galiléens sont, vous le savez, vaillants et impétueux ; après tant d’années d’attente, leurs épées brûlaient leurs mains, ils avaient besoin de passer à l’action. « Il est lent à se déclarer, forçons-le à le faire, » me criaient-ils. Moi aussi j’étais pris d’impatience et je me disais : « S’il doit être roi, pourquoi ne serait-ce pas maintenant ? Les légions ne sont-elles pas prêtes ? » Ainsi, un jour qu’il enseignait au bord du lac, nous nous disposions à le couronner, qu’il le voulût ou non, mais il disparut et nous le vîmes ensuite s’éloigner du rivage sur un bateau. Bon Simonide, les choses que les hommes désirent à la folie, la richesse, la puissance, la royauté même, offerte en signe d’affection par tout un peuple, n’ont aucune prise sur lui. Dis-moi ce qu’il t’en semble.
La tête du marchand était penchée sur sa poitrine, il la redressa en disant d’un ton résolu :
– L’Éternel est vivant et les paroles de la prophétie sont vivantes aussi. Son heure n’est pas venue encore, le jour de demain nous apportera une solution à ces questions.
– Qu’il en soit ainsi ! fit Balthasar, avec un sourire.
– Qu’il en soit ainsi ! répéta Ben-Hur. Mais je n’ai pas fini. Quittons ces miracles, ils ne sont pas assez grands pour être à l’abri des soupçons de ceux qui ne les ont pas vus de leurs yeux comme moi, et laissez-moi vous transporter en face de choses infiniment plus étonnantes, de choses considérées, depuis le commencement du monde, comme dépassant la puissance de l’homme. Dites-moi si jamais, à votre connaissance, quelqu’un avait pu arracher à la mort sa proie ? Qui a jamais rendu la vie à un mort ? Qui donc, si ce n’est…
– Dieu ! s’écria Balthasar, d’un ton pénétré de respect.
Ben-Hur s’inclina.
– Sage Égyptien, qu’aurais-tu donc pensé, ou toi, Simonide, si vous aviez vu comme moi un homme détruire l’œuvre de la mort sans beaucoup de paroles, sans cérémonie, sans plus d’effort qu’il n’en faut à une mère pour éveiller son enfant endormi ? C’était à Naïn. Nous allions entrer dans la ville quand des hommes en sortirent ; ils portaient un mort. Le Nazaréen s’arrêta pour laisser passer le cortège. Il s’y trouvait une femme qui pleurait. Je vis une expression de pitié infinie se répandre sur son visage. Il parla à cette femme, puis il s’avança et toucha la bière, en disant à celui qui y était couché, prêt à être enseveli : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi. » Et aussitôt le mort s’assit et parla.
Retenez bien ceci, c’est que je ne vous parle que de ce dont j’ai été témoin avec une foule d’autres hommes. En venant ici, j’ai assisté à un acte encore plus incompréhensible. Il y avait à Béthanie un homme appelé Lazare qui mourut et fut enseveli ; il avait déjà été quatre jours dans le tombeau, fermé par une grande pierre, quand ils amenèrent le Nazaréen en cet endroit. Lorsqu’on eut roulé la pierre, nous vîmes tous cet homme, couché et enveloppé dans son linceul. Nous étions plusieurs arrêtés à l’entour, et chacun put entendre ce que le Nazaréen disait, car il parlait d’une voix forte : « Lazare, sors de là ! » Je ne saurais vous dire ce que j’ai éprouvé quand j’ai vu cet homme se lever et sortir vers nous, encore entouré des bandelettes qui avaient servi à son embaumement. « Déliez-le et laissez-le aller, » dit encore le Nazaréen. Et quand le linge qui enveloppait le visage du ressuscité eut été enlevé, voilà, mes amis, le sang coulait de nouveau dans ses veines et il était redevenu exactement semblable à ce qu’il était avant la maladie qui l’avait mené à la mort. Il est vivant maintenant et chacun peut le voir et lui parler ; vous le verrez demain pour peu que vous le désiriez. À présent je vous adresserai la question que tu me posais à moi-même, Simonide : Qui est donc ce Nazaréen, car il est
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