Ben-Hur
le sol, quand elles eurent atteint le chemin qui passait entre le mont des Offenses et celui des Oliviers.
– Va-t’en seule avec Amrah, mère, et laisse-moi ici, dit-elle d’une voix faible.
– Non, non, Tirzah. À quoi me servirait d’être guérie si tu ne l’étais pas ? Quand Juda s’informera de toi, que lui répondrais-je si je t’avais abandonnée ?
– Tu lui diras que je l’aimais.
La veuve, après s’être penchée vers Tirzah, se releva avec le sentiment poignant que l’espoir un instant entrevu lui échappait. La joie suprême qu’elle éprouvait à la seule pensée de la guérison était inséparable de la personne de Tirzah, qui n’était pas encore trop âgée pour ne pouvoir oublier, une fois rendue au bonheur et à la santé, les années de souffrance et de misère qui l’avaient réduite à l’état où elle était maintenant. Au moment où la vaillante femme s’en remettait à Dieu du soin de l’entreprise qu’elle désespérait de mener à bien elle-même, elle vit un homme s’avancer rapidement de leur côté.
– Courage, Tirzah, s’écria-t-elle, voici quelqu’un qui, j’en suis certaine, pourra nous parler du Nazaréen.
Amrah aida la jeune fille à s’asseoir et la soutint pendant que l’homme approchait.
– Tu oublies qui nous sommes, mère. Cet étranger fera un détour pour nous éviter. Peut-être nous lancera-t-il une malédiction.
– Nous verrons.
Elle n’aurait pas osé répondre autre chose, car elle aussi savait à quoi les membres de la classe à laquelle elles appartenaient pouvaient s’attendre de la part de leurs compatriotes. L’étranger ne se détourna cependant pas de son chemin, jusqu’à ce qu’il fut arrivé assez près d’elle pour entendre le cri qu’elle était tenue de pousser. Alors, toujours pour obéir à la loi, elle découvrit sa tête et s’écria d’une voix perçante : souillée, souillée ! À son inexprimable surprise, l’homme continua d’avancer.
– Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-il en s’arrêtant à quelques pas d’elles.
– Tu vois ce que nous sommes, prends garde à toi, dit la mère avec dignité.
– Femme, je suis le messager de celui qui n’a qu’à adresser une parole à ceux qui sont semblables à toi, afin qu’ils soient guéris. Je n’ai pas peur.
– Tu parles du Nazaréen ?
– Je parle du Messie, répondit-il.
– Est-il vrai qu’il doive se rendre à la ville aujourd’hui ?
– Il est déjà à Bethphagé, et il va passer par ici.
Elle joignit ses mains dans un élan de reconnaissance et, leva ses yeux vers le ciel.
– Que crois-tu qu’il soit ? lui demanda cet homme avec un accent de pitié.
– Le fils de Dieu ! répondit-elle.
– Reste ici, ou plutôt, comme une grande foule l’accompagne, place-toi près de ce rocher blanc, là-bas, sous cet arbre, et quand il passera, ne manque pas de l’appeler ; appelle-le et ne crains rien. Si ta foi ne faiblit pas, il t’entendra, quand même le tonnerre ébranlerait le ciel. Je m’en vais dire à Israël, assemblé aujourd’hui aux abords de la cité elle-même, qu’il va arriver, afin qu’on prépare tout pour le recevoir. La paix soit avec toi et avec ta fille !
– L’as-tu entendu, Tirzah ? L’as-tu entendu ? Le Nazaréen est en route, il va passer et il nous entendra. Fais encore un effort, mon enfant, un seul ; il n’y a plus qu’un pas à faire pour atteindre ce rocher.
Tirzah prit la main d’Amrah et se leva, mais au moment où elles allaient se mettre en marche, la vieille femme s’écria : « Voilà cet homme qui revient » ; aussitôt elles s’arrêtèrent pour l’attendre.
– Femme, dit-il, quand il fut près d’elle, la chaleur du jour sera dans son plein avant que le Nazaréen passe, et comme il me sera possible de me procurer dans la cité tout ce dont j’aurai besoin, j’ai pensé que je ferais mieux de te laisser cette eau ; elle te sera plus utile qu’à moi. Bois-la et prends courage.
Il tenait une de ces gourdes pleines d’eau, que les voyageurs traversant les montagnes à pied avaient coutume d’emporter, et au lieu de la poser à terre à une certaine distance des deux lépreuses, il la plaça dans les mains de la mère.
– Es-tu Juif ? lui demanda-t-elle avec étonnement.
– Je le suis, mais ce qui vaut mieux encore, je suis disciple du Christ. Il nous apprend tous les jours, par ses paroles et
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