Ben-Hur
son exemple, à agir comme je viens de le faire. Le monde connaît depuis longtemps le mot de charité, mais il en ignore la signification. Femme, prends courage, que la paix soit avec toi !
Quand il se fut éloigné, elles gagnèrent lentement le rocher qu’il leur avait indiqué. De là elles ne pouvaient manquer de voir tous ceux qui passeraient sur la route. Elles s’assirent à l’ombre de l’arbre et burent l’eau contenue dans la gourde. Un instant plus tard, Tirzah dormait. Sa mère et Amrah se turent, de crainte de l’éveiller.
CHAPITRE XLII
Pendant la troisième heure, de nombreux piétons se rendant dans la direction de Bethphagé et de Béthanie passèrent près des lépreuses. À la quatrième heure, une foule énorme parut au sommet de la montagne des Oliviers et, pendant qu’elle défilait le long de la route, Amrah et sa maîtresse remarquèrent avec étonnement que les milliers de personnes qui la composaient tenaient toutes une palme fraîchement cueillie. Tandis qu’elles contemplaient ce spectacle inaccoutumé, le bruit d’une autre multitude, arrivant du côté de l’orient, leur fit tourner les yeux dans cette direction. Alors la mère éveilla Tirzah.
– Que signifie ce cortège ? demanda celle-ci.
– Il arrive ! Les gens que nous voyons vont à sa rencontre ; ceux que l’on entend là-bas, ce sont ses amis qui l’accompagnent. Les deux processions vont se rencontrer ici près.
– Je crains, s’il en est ainsi, qu’il ne puisse nous entendre.
La même pensée s’était déjà présentée à l’esprit de la veuve.
– Amrah ! fit-elle, quand Juda parlait de la guérison des dix lépreux, en quels termes disait-il qu’ils s’étaient adressés au Nazaréen ?
– Ils ont simplement dit : Maître, aie pitié de nous.
– Rien d’autre ?
– Je ne me souviens pas d’avoir entendu autre chose.
– Et cela s’est trouvé suffisant ?
– Oui, car Juda racontait qu’il les avait vus s’en aller guéris.
Cependant ceux qui arrivaient de Béthanie montaient lentement le chemin. Lorsqu’enfin ils furent en vue des lépreuses, leurs regards se fixèrent sur un homme chevauchant au milieu d’un groupe de personnes qui chantaient et qui exprimaient par leurs gestes une joie exubérante. Il avait la tête découverte et ses vêtements étaient entièrement blancs. Lorsqu’il fut assez près d’elles pour qu’elles pussent distinguer ses traits, elles virent qu’il avait un visage pâle, autour duquel retombaient de longs cheveux bruns dorés, partagés au milieu du front. Il ne regardait ni à gauche, ni à droite. Évidemment les démonstrations bruyantes de ceux qui l’entouraient ne parvenaient pas à dissiper la profonde mélancolie dans laquelle il paraissait plongé. Le soleil, dardant ses rayons sur sa tête, éclairait ses cheveux flottants et les faisait ressembler à un nimbe d’or. Il n’était pas besoin que quelqu’un vînt dire aux lépreuses que c’était là le Nazaréen.
– Le voilà, Tirzah, dit la mère, viens, mon enfant.
Elle se glissa devant le rocher blanc et tomba à genoux, suivie de près par sa fille et la vieille servante. Les milliers de personnes venues de la ville s’étaient arrêtées à la vue du cortège qui s’avançait à leur rencontre et toutes elles balançaient leurs rameaux verts en criant ou plutôt en chantant d’une seule voix : « Hosanna au Fils de David, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Et ces paroles, mille fois répétées, remplissaient l’air qui vibrait comme si un grand vent eût passé sur les collines. Au milieu de tout ce bruit, le cri des pauvres lépreuses ne s’entendait pas plus que celui de deux hirondelles. Les deux troupes venaient de se joindre, il fallait se hâter, ou l’occasion que guettaient les malheureuses femmes leur échapperait pour jamais.
– Allons plus près, mon enfant, il ne peut pas nous entendre.
Elle s’élança en avant en levant vers le ciel ses mains mutilées et se mit à crier d’une voix horriblement stridente. Le peuple la vit, il vit sa figure hideuse et s’arrêta, frappé de stupeur, Tirzah, qui la suivait, se laissa tomber à terre, trop faible et trop effrayée pour pouvoir aller plus loin.
– Des lépreuses ! des lépreuses ! Lapidons-les ! La malédiction du Seigneur est sur elles, tuons-les !
Ces exclamations et d’autres du même genre, vinrent se mêler aux hosannas
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