Ben-Hur
s’empara de lui.
N’aurait-il pas après tout méconnu le Nazaréen ? S’il était resté passif jusqu’alors, n’était-ce pas afin de mieux choisir le moment propice à la réalisation de ses desseins glorieux ? Comme l’heure présente s’y prêterait mieux que celle où les Galiléens avaient voulu le couronner auprès du lac de Génésareth ! Alors il n’aurait eu pour le soutenir que quelques milliers d’hommes, maintenant des millions se lèveraient en l’entendant proclamer roi. Ces brillantes perspectives enflammaient l’imagination de Ben-Hur, et il s’enthousiasmait à la pensée que sous la mélancolie, la douceur et l’abnégation de cet homme se cachaient la finesse d’un diplomate et le génie d’un soldat. Il arrivait souvent aussi que des hommes frustes, bronzés, barbus, se présentaient tête nue devant la tente de Ben-Hur. Il sortait alors et se retirait à l’écart pour causer avec eux, et quand sa mère l’interrogeait à leur sujet, il répondait :
– Ce sont des amis que j’ai connus en Galilée.
Ils le tenaient au courant de ce qui concernait le Nazaréen et des projets de ses ennemis, tant Juifs que Romains. Il n’ignorait point que sa vie était en danger, mais il se refusait à croire qu’ils pussent pousser la hardiesse jusqu’à se saisir de lui, à ce moment où sa grande renommée et sa popularité semblaient élever un rempart autour de lui. La foule qui occupait la ville et ses environs devait être également pour lui, une garantie de sécurité, d’ailleurs la confiance de Ben-Hur reposait surtout sur la puissance miraculeuse du Christ. Comme il jugeait de tout cela à un point de vue purement humain, il ne mettait pas en doute que celui qui possédait sur la vie et la mort une autorité qu’il avait constamment employée au bien des autres, ne la fît servir à l’heure du danger à sa propre délivrance.
Tout cela se passait entre le vingt et unième jour du mois de mars, – d’après le calendrier moderne, – et le vingt-cinquième. Vers le soir de ce dernier jour, Ben-Hur, incapable de maîtriser plus longtemps son impatience, se rendit à la ville après avoir promis à sa mère de revenir dans la nuit.
Son splendide coursier l’emportait sur des routes désertes. Il n’y avait personne dans les maisons, aucun feu ne brûlait devant les tentes, c’était le premier soir de la Pâque et l’heure où des milliers de pèlerins encombraient la ville, où les parvis du Temple retentissaient des bêlements des agneaux que l’on égorgeait et où les sacrificateurs, rangés en ligne, recueillaient le sang qui coulait à flots, pour le porter sur les autels. Le cavalier entra dans Jérusalem par la grande porte du nord ; ses yeux contemplaient la sainte cité telle qu’elle était à la veille de sa chute, dans toute la splendeur de sa gloire et illuminée en l’honneur de l’Éternel.
CHAPITRE XLIII
Ben-Hur mit pied à terre devant l’hôtellerie d’où les trois mages étaient partis, plus de trente ans auparavant, pour se rendre à Bethléem. Il laissa son cheval au soin de son domestique arabe et, peu d’instants plus tard, il entrait dans la grande salle du palais de son père. Il s’informa d’abord de Malluch ; on lui répondit qu’il était sorti ; il manifesta alors l’intention de se rendre auprès du marchand et de Balthasar, afin de les saluer ; eux aussi s’étaient fait porter au Temple pour assister à la célébration de la Pâque.
Pendant qu’un serviteur répondait à ses questions, le rideau qui fermait la porte de la salle se souleva et l’Égyptienne parut. Elle s’avança, enveloppée comme d’un nuage dans les draperies de gaze qu’elle aimait à porter, jusqu’à l’endroit de la vaste salle où la clarté, projetée par le grand chandelier à sept lampes, était la plus brillante ; – sa beauté n’était pas de celles qui craignent de se montrer à une lumière trop éclatante.
Ben-Hur, dans l’excitation causée par les événements des jours précédents, lui avait à peine accordé une pensée, mais elle n’avait eu qu’à paraître pour regagner son influence sur lui. Il fit vivement quelques pas à sa rencontre, puis il s’arrêta, frappé de stupeur à la vue du changement qui s’était opéré en elle.
Elle n’aurait pas pu recevoir un étranger avec une froideur plus marquée ; elle restait immobile, aussi indifférente en apparence qu’une statue,
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