Ben-Hur
avec lui le chemin qui escaladait le mont des Offenses, non plus péniblement, comme le matin, mais d’un pas léger. Ils atteignirent bientôt un sépulcre neuf, dominant le Cédron, à peu de distance du tombeau d’Absalon et comme il était vide, Ben-Hur laissa sa mère et sa sœur en prendre possession, tandis que lui-même se hâtait d’aller préparer tout ce qu’il fallait pour leur procurer un asile moins lugubre.
Il ne tarda pas à revenir dresser deux tentes près du Cédron, à une petite distance des tombeaux des rois, et après les avoir remplies de tout ce qui lui semblait devoir assurer le confort des deux femmes, il les y conduisit afin qu’elles y demeurassent jusqu’au moment où le sacrificateur pourrait certifier qu’elles étaient absolument purifiées de la lèpre. Lui-même, pour avoir accompli ce devoir, devait se considérer également comme impur jusqu’à l’expiration du délai légal ; il ne pouvait ainsi prendre part aux cérémonies de la grande fête qui se préparait, car il n’aurait pas pu pénétrer dans le moins sacré des parvis du Temple. Il resta donc auprès de sa mère, par nécessité autant que par choix.
Ils avaient bien des choses à se dire, mais des histoires comme les leurs ne se racontent pas en un moment, et Ben-Hur passa de longues heures à entendre les deux femmes lui faire le récit de leurs tristes expériences et des souffrances qu’elles avaient éprouvées. Il les écoutait avec un calme apparent, mais avec une sourde colère intérieure. Sa haine de Rome et des Romains prenait des proportions qu’elle n’avait pas encore atteintes jusqu’alors, et dans son désir de vengeance il formait les projets les plus insensés. Il se demandait sérieusement s’il allait se mettre à la tête d’une bande de brigands et attaquer les grands chemins, ou soulever la Galilée ; mais sa raison finit par reprendre le dessus. Il en revint à la persuasion qu’une guerre à laquelle tout Israël prendrait part était la seule chose à tenter et le résultat de ses réflexions fut qu’il se répéta une fois encore que tout espoir de succès dépendait du Nazaréen et de ses desseins.
Il se mit même à imaginer le discours qu’il devrait prononcer selon lui : « Écoute Israël ! Je suis celui qui te suis envoyé de Dieu, je suis né roi des Juifs, je viens à toi pour rétablir le règne dont ont parlé les prophètes. Lève-toi et prends possession du monde entier ! » Ah ! s’il disait ces quelques paroles, quel tumulte elles soulèveraient ! Combien de bouches ne se trouverait-il pas pour les répéter et les proclamer au près et au loin, afin de rassembler les milliers d’Israël ! Mais les prononcerait-il ?
Et dans son désir ardent de voir cet homme répondre à son attente et déclarer que son œuvre était de ce monde, il perdait de vue sa double nature et il oubliait combien il était possible que l’élément divin qui se trouvait en lui remportât, en définitive, la victoire sur l’humanité de sa personne. Dans le miracle dont Tirzah et sa mère avaient été les objets, il ne voyait plus que la preuve d’une puissance, capable de fonder un royaume juif sur les ruines de l’empire romain et de renouveler le genre humain tout entier, de manière qu’il ne formât plus qu’une famille sanctifiée et purifiée. Et quand cette œuvre serait accomplie se trouverait-il quelqu’un pour prétendre que la tâche de faire régner une paix perpétuelle sur ce monde nouveau ne serait pas digne d’un fils de Dieu ? Quelqu’un nierait-il encore la mission rédemptrice du Christ ?
Pendant ce temps, toute la contrée située le long du Cédron et spécialement au bord des routes qui conduisaient à la porte de Damas, se couvrait de toute espèce d’abris élevés par les pèlerins venus pour célébrer la Pâque. Ben-Hur s’en allait visiter ces étrangers et chaque fois il était plus étonné de les trouver si nombreux. Lorsqu’il découvrit en outre que toutes les parties du monde avaient des représentants parmi eux : les villes situées sur les rivages de la Méditerranée et celles qui s’élevaient au bord des fleuves de l’Inde, aussi bien que les provinces de l’extrême nord de l’Europe et que tous, – ceux-là même qui le saluaient en langues inconnues et qui ne savaient pas un mot de l’hébreu parlé par leurs pères, étaient venus pour célébrer la fête, une nouvelle idée
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