Ben-Hur
l’ordre de repartir immédiatement, afin de rejoindre la flotte qui devait arriver du nord. En temps voulu, les cinquante galères, en entrant dans le canal, rencontrèrent les restes des derniers vaisseaux de l’escadre des pirates, qui fuyaient, et les défirent entièrement, pas un seul d’entre eux ne leur échappa. Pour rendre plus complet le triomphe du tribun, ils capturèrent vingt galères ennemies.
À son retour de la croisière, on fit une réception chaleureuse à Quintus Arrius, sur le môle de Misène. Le jeune homme qui l’accompagnait attira bien vite l’attention de ses amis et, pour répondre à leurs questions, il raconta l’histoire de son sauvetage, mais en omettant tous les détails qui se rapportaient au passé de l’étranger. Arrivé à la fin de son récit, il appela Ben-Hur et lui posa la main sur l’épaule.
– Vous voyez là, mes amis, mon fils et mon héritier, dit-il, et comme il possédera un jour tous mes biens, je vous prie de l’appeler désormais de mon nom. Je vous demande de l’aimer comme vous m’aimez moi-même.
Le brave Romain, tenant les promesses qu’il avait faites à Ben-Hur, l’adopta officiellement et l’introduisit, sous les plus heureux auspices, dans le monde impérial. Un mois plus tard, lors du retour du tribun à Rome, on célébra une grande fête, en l’honneur de sa victoire sur les pirates, dans le théâtre de Scaurus. Un des côtés de l’immense enceinte était orné de trophées, parmi lesquels se trouvaient les tillacs de vingt galères. Au-dessus, on avait écrit, en caractères visibles pour les quatre-vingt mille spectateurs, assis sur les gradins :
Pris aux pirates dans le golfe d’Euripe, par Quintus Arrius, Duumvir.
CHAPITRE XIV
Une galère de transport quittait la mer aux flots bleus pour entrer dans l’embouchure de l’Oronte. C’était vers le milieu d’un jour d’été, et les passagers se groupaient sur le pont pour saluer Antioche, la reine de l’Orient, la plus forte, si ce n’est la plus populeuse des cités de la terre après Rome.
Dans ce nombre était Ben-Hur. Les cinq années qui venaient de s’écouler avaient fait de lui un homme, en possession de son plein développement, et bien que la robe de lin dont il était revêtu masquât en partie ses formes, il n’en avait pas moins une tournure qui commandait l’attention. Depuis une heure il occupait un siège, placé à l’ombre d’une des voiles, et durant ce temps plus d’un de ses compagnons de voyage avait en vain cherché à lier connaissance avec lui. Ses réponses étaient brèves, quoique courtoises. Il parlait latin et la pureté de son langage, l’élégance de ses manières, sa réserve même contribuaient à stimuler la curiosité de son entourage. Ceux qui l’observaient attentivement découvraient, avec étonnement, dans sa personne, certains détails qui contrastaient avec son apparence éminemment distinguée : ainsi la longueur inusitée de ses bras, la largeur de ses mains et la force qu’elles trahissaient, toutes les fois que, pour résister au balancement du navire, il saisissait quelque objet placé à sa portée, et chacun se disait : « Assurément, cet homme a une histoire ! »
La galère, au cours de son voyage, avait fait halte dans l’un des ports de l’île de Chypre, et prit à son bord un Hébreu à l’air respectable, calme et réservé. Ben-Hur lui avait adressé quelques questions ; ses réponses avaient gagné sa confiance et, finalement, ils étaient entrés en conversation.
En même temps que la galère venant de Chypre, deux autres vaisseaux, déjà signalés au large, entraient dans l’Oronte. Tous deux portaient de petits pavillons, d’un jaune éclatant. Plusieurs personnes se demandaient à quelle nationalité ils appartenaient.
– Je le sais, dit l’Hébreu à l’air respectable, ce sont les pavillons du propriétaire de ces navires.
– Tu le connais donc ?
– J’ai eu affaire avec lui.
Les passagers le regardaient comme pour l’engager à en dire davantage. Ben-Hur l’écoutait avec attention.
– Il demeure à Antioche, continua l’Hébreu de sa voix tranquille. Ses immenses richesses l’ont mis en évidence et l’on parle de lui d’une façon qui n’est pas toujours bienveillante. Il y avait autrefois à Jérusalem un prince d’une famille très ancienne, celle de Hur…
Juda s’efforçait de ne pas perdre contenance, mais son cœur battait à coups
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