Ben-Hur
prêter de l’argent.
– Pas plus que je ne suis, moi, homme à en emprunter, dit Ben-Hur en souriant.
– On serait en droit de penser que le plus riche marchand d’Antioche habite une demeure en rapport avec sa position de fortune. Il n’en est rien et tu le trouveras dans une maison de peu d’apparence, qui s’appuie à la muraille de la ville, non loin de ce pont. Il y a devant sa porte un immense bassin, dans lequel vont et viennent sans cesse des vaisseaux chargés de marchandises. Tu la découvriras aisément.
Ils échangèrent leurs adieux et des porteurs vinrent prendre les ordres et les bagages de Ben-Hur.
– Menez-moi à la citadelle, leur dit-il, ce qui semblait indiquer qu’il était en rapport avec le monde militaire.
Deux grandes rues, se croisant à angles droits, partageaient la ville en quartiers distincts. Quand les porteurs entrèrent dans celle de ces avenues qui s’étendait du nord au sud, Ben-Hur, bien qu’il arrivât de Rome, ne put retenir une exclamation d’admiration. Elle était bordée de palais et sur toute sa longueur s’élevaient, à perte de vue, deux colonnades de marbre. Elles divisaient la rue en trois parties, l’une réservée aux piétons, la seconde aux chariots et la troisième aux bestiaux. Un toit les ombrageait et des jets d’eau, placés de distance en distance, y maintenaient une fraîcheur délicieuse.
Mais Ben-Hur n’était pas dans la disposition d’esprit voulue pour jouir longtemps de toute cette magnificence. L’histoire de Simonide le hantait, et quand il fut arrivé devant le superbe temple qu’Épiphane, un des Séleucides, avait élevé en son propre honneur, il arrêta tout à coup ses porteurs.
– Je n’irai pas aujourd’hui à la citadelle, leur dit-il, portez-moi à l’hôtellerie la plus proche du pont sur lequel passe la route de Séleucis.
Ils firent volte-face et bientôt ils le déposèrent devant une vaste maison, d’aspect très primitif, située à un jet de pierre du pont, au-dessous duquel se trouvaient les comptoirs de Simonide. Il passa la nuit sur le toit, le cœur plein d’une pensée unique et se répétant toujours :
– Maintenant, je vais enfin entendre parler de ma mère et de ma petite Tirzah, et si elles sont encore en vie, je découvrirai leur retraite, coûte que coûte.
CHAPITRE XV
De bonne heure, le lendemain, Ben-Hur se mit à la recherche de la maison de Simonide. Il s’arrêta un moment sur le pont d’où, grâce à la description du voyageur, il lui fut aisé de la découvrir. C’était un grand bâtiment, d’aspect banal, qui s’appuyait comme un arc-boutant à la muraille de la ville. Deux grandes portes, ouvrant sur le quai, coupaient seules la monotonie de la façade. Une rangée d’ouvertures grillées, pratiquées sous le toit, tenaient lieu de fenêtres ; les murs crevassés étaient couverts de plaques de mousse noirâtre et de touffes d’herbe. De nombreux esclaves allaient et venaient entre la maison et les galères, à l’ancre dans le bassin voisin, qu’ils chargeaient et déchargeaient avec une activité incessante.
Ben-Hur considérait ce spectacle sans songer à jeter un regard au palais impérial, qui élevait ses tours et ses corniches sculptées au-dessus de l’île, de l’autre côté du pont. Enfin, il touchait au moment où il entendrait parler de sa famille si Simonide avait bien été l’esclave de son père. Mais cet homme en conviendrait-il ? Ferait-il un aveu qui équivaudrait à se déclarer prêt à renoncer à ses richesses, à la souveraineté qu’il exerçait sur les marchés du monde entier et, ce qui serait plus grave encore, à sa liberté ? La demande que Ben-Hur allait lui adresser était singulièrement audacieuse, elle revenait à lui dire : « Tu es mon esclave, donne-moi tout ce que tu possèdes, y compris toi-même. »
Cependant, fort de son bon droit et de ses espérances, Ben-Hur se préparait sans crainte à cette entrevue. Si ce qu’il avait entendu raconter se confirmait, Simonide lui appartenait légalement avec tous ses biens ; mais il se souciait peu de ces derniers et, quand il arriva devant sa porte, il se disait :
– Qu’il me parle de ma mère et de Tirzah, et je lui accorde sa liberté, sans restrictions.
L’intérieur de la maison, dans laquelle il entra hardiment, était celui d’un vaste entrepôt, partagé en compartiments où les marchandises de toutes sortes étaient rangées dans
Weitere Kostenlose Bücher