Ben-Hur
équipage et ceux des deux galères qui l’attaquaient se trouvaient sur le pont, engagés dans une lutte corps à corps, qui se continuait encore sur les épaves, auxquelles un certain nombre d’entre eux avaient pu se raccrocher. Tous ces naufragés se disputaient, avec l’énergie du désespoir, la possession d’une planche ou d’une poutre. Ben-Hur, persuadé qu’aucun de ces hommes, armés pour la plupart, n’hésiterait à le tuer pour s’emparer du frêle radeau sur lequel il se soutenait, faisait tous ses efforts pour leur échapper, mais en s’éloignant d’eux il courut le risque d’être écrasé par une galère, qui passa si près de lui, que les vagues qu’elle soulevait le couvrirent de leur écume.
Il faisait manœuvrer à grand’peine sa planche, et il sentait que l’espace d’une seconde suffirait pour le perdre. Soudain il vit paraître, à la portée de son bras, un casque brillant, puis deux mains, auxquelles il ne serait pas aisé de faire lâcher prise si elles parvenaient à s’emparer du bord de la planche. Saisi de frayeur, Ben-Hur essaya de se détourner, mais le casque reparut, ainsi que deux bras, qui battaient l’eau avec frénésie ; enfin la tête se retourna, laissant apercevoir un visage d’une pâleur spectrale, une bouche ouverte, des yeux fixes. C’était horrible à voir, mais Ben-Hur n’en poussa pas moins une exclamation de joie et, au moment où le noyé allait disparaître dans les flots pour la dernière fois, il le saisit par la chaîne qui retenait son casque et l’attira à lui.
C’était Arrius, le tribun, qu’il venait de sauver, mais pendant un moment il eut besoin de toutes ses forces pour maintenir sa tête au-dessus des vagues. La galère avait passé au milieu de toutes ces épaves flottantes, et dans le sillon qu’elle laissait derrière elle rien de vivant n’apparaissait plus. Un craquement sourd, suivi d’un cri, se fit entendre, Ben-Hur leva les yeux et avec une joie sauvage il constata que l’ Astra était vengée.
Le jeune homme aurait donné beaucoup pour savoir qui étaient les vainqueurs : il comprenait que sa propre vie et celle d’Arrius dépendaient de cette question. Il avait réussi à faire passer l’extrémité de la planche sur laquelle il se trouvait, sous le corps du tribun ; ses efforts tendaient maintenant à l’y maintenir. L’aube blanchissait la nue à l’orient, et il la voyait grandir avec une impatience mêlée d’anxiété. Quand le jour serait venu se trouveraient-ils entourés de Romains, ou de pirates ? Dans ce dernier cas, Arrius était perdu.
Enfin il aperçut la terre, mais beaucoup trop éloignée encore pour qu’il pût songer à l’atteindre. Quelques hommes se maintenaient encore, comme lui, au-dessus de l’abîme ; on voyait aussi flotter ici et là des morceaux de bois fumant. À une petite distance d’eux une galère se balançait, immobile ; sa grande voile retombait en lambeaux le long du mât ; plus loin passaient des ombres blanches, qui pouvaient être les voiles des vaisseaux fuyant le lieu du combat, ou de grands vols d’oiseaux.
Une heure s’écoula ainsi et l’angoisse de Ben-Hur allait croissant. Si le secours tardait encore, il perdait tout espoir de voir Arrius revenir à la vie. Par moment il se demandait s’il était déjà mort. Il lui enleva, à grand’peine, son casque, puis sa cuirasse et, à son inexprimable soulagement, il découvrit que son cœur battait toujours. Il ne lui restait autre chose à faire qu’à attendre et selon la coutume de son peuple, à prier.
CHAPITRE XIII
Arrius, peu à peu, revenait à la vie et la joie de Ben-Hur fut grande en l’entendant prononcer quelques paroles incohérentes, puis le questionner sur l’endroit où il se trouvait, sur la manière dont il avait été sauvé, enfin s’informer de l’issue du combat. L’incertitude au sujet de la victoire finale contribua, en une large mesure, à lui rendre sa présence d’esprit.
– Notre salut, disait-il, dépend des résultats de la bataille. Je sais ce que je te dois, car tu as sauvé ma vie au péril de la tienne. Je le reconnais hautement et quoi qu’il arrive, je t’en remercie ; bien plus, si la fortune me sert et m’aide à échapper au danger dans lequel nous nous trouvons, je ferai de toi tout ce qui peut dépendre d’un Romain qui possède les moyens de se montrer reconnaissant. Cependant il reste à savoir si, avec toute ta bonne
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