Ben-Hur
d’une grande splendeur. Le préfet est si riche qu’il pourrait courir le risque de perdre sa place, mais ses désirs et son ambition ne connaissent pas de bornes, et pour se mettre bien en cour il veut recevoir avec un éclat tout particulier le consul Maxence, qui vient ici préparer son expédition contre les Parthes. Les citoyens d’Antioche, sachant tout l’argent que les préparatifs de cette expédition leur feront gagner, ont obtenu la permission de se joindre au préfet, pour fêter le grand homme. Il y a un mois, des hérauts ont parcouru les quatre quartiers de la ville pour annoncer la prochaine ouverture du cirque. Le nom du préfet serait plus que suffisant pour persuader tout l’Orient de la variété et de la magnificence des représentations qui se préparent, mais du moment où Antioche, elle-même, joint ses promesses aux siennes, il n’est pas d’île ou de ville où l’on ne s’attende à de l’extraordinaire et qui ne s’apprête à s’y faire représenter par ses jouteurs les plus fameux. Les prix offerts sont d’une munificence royale.
– Et le cirque ? j’ai entendu dire qu’il ne le cède en grandeur qu’au Maximus de Rome.
– Le nôtre peut contenir deux cent mille spectateurs, le vôtre soixante-quinze mille de plus. Le vôtre est en marbre, le nôtre également, et quant à leur aménagement, il est exactement le même.
– Et les règlements ?
– Si Antioche osait être originale, dit Malluch en souriant, Rome ne serait plus la souveraine qu’elle est. Les règlements en usage au cirque Maximus régissent aussi le nôtre, à une seule exception près : là-bas, il ne peut partir que quatre chars à la fois, ici tous ceux qui se sont présentés partent en même temps, quel qu’en soit le nombre.
– C’est ainsi que cela se pratique en Grèce.
– Oui, Antioche est moins romaine que grecque.
– Je pourrais donc choisir mon propre chariot ?
– Ton chariot et tes chevaux, il n’existe là-dessus aucune restriction.
Une satisfaction évidente se peignit sur le visage de Ben-Hur.
– Un renseignement encore, Malluch, dit-il ; quand la course aura-t-elle lieu ?
– Laisse-moi calculer, répondit l’autre. Demain, non, après-demain, si les dieux de la mer lui sont favorables, pour parler selon le style de Rome, le consul arrivera. Alors, – il comptait sur ses doigts – oui, c’est cela, – les fêtes commenceront dans six jours.
– Le temps est court, Malluch, mais il est néanmoins suffisant.
Il avait prononcé ces derniers mots d’un ton de parfaite assurance.
– Par les prophètes de notre vieil Israël, je reprendrai les rênes, mais à une condition, c’est que tu sois certain que Messala se trouve au nombre des compétiteurs.
Malluch comprenait maintenant le plan de Ben-Hur et les chances qu’il avait d’aboutir à l’humiliation du Romain. Il demanda avec inquiétude :
– Es-tu sûr de ton affaire ?
– Ne crains rien, mon ami. Ceux qui ont conquis des couronnes au cirque Maximus durant ces trois années, les ont dues à mon bon vouloir. Demande-leur s’il n’en est point ainsi, et les meilleurs d’entre eux te l’affirmeront. Lors des dernières grandes courses, l’empereur lui-même m’a offert son patronage, si je consentais à prendre ses chevaux en mains et à les faire courir contre les plus fameux attelages du monde entier.
– Mais tu ne l’as pas fait ? dit Malluch avec anxiété.
– Comment l’aurais-je pu ? Bien que je porte un nom romain je suis Juif, et je n’aurais pas voulu faire professionnellement une chose qui aurait souillé le nom de mon père dans les parvis du temple. Si je participe ici à la course, je te jure que ce ne sera point en vue du prix ou des profits réalisés par le vainqueur.
– Arrête, ne jure point ! s’écria Malluch, le prix est de dix mille sesterces, toute une fortune !
– Je ne l’accepterais pas, quand bien même le préfet offrirait cinquante fois sa valeur. Je veux que cette course me serve à quelque chose qui sera pour moi d’un prix infiniment supérieur à celui de tous les revenus de l’empereur. Je veux qu’elle me serve à humilier mon ennemi.
Le sourire de Malluch semblait dire : « Nous nous comprenons en vrais Juifs que nous sommes ! »
– Messala conduira lui-même ses chevaux, s’écria-t-il ; il l’a fait publier partout, dans les rues, dans les bains, dans les théâtres et les
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