Ben-Hur
casernes, et il ne saurait plus reculer, car son nom est inscrit sur les tablettes de tous les jeunes prodigues d’Antioche.
– Ils parient pour lui, Malluch ?
– Oui, tous tiennent pour lui, et chaque jour il vient ostensiblement entraîner ses chevaux, ainsi que tu l’as vu tout à l’heure.
– Je te remercie, Malluch, car, en vérité, tu m’as utilement servi aujourd’hui et je sais tout ce qu’il m’importait d’apprendre. Maintenant, sois mon guide jusqu’au Jardin des Palmes et introduis-moi auprès du cheik Ilderim le Généreux.
– Quand désires-tu t’y rendre ?
– Aujourd’hui même. Demain il aurait peut-être confié ses chevaux à un autre.
– Ils te plaisent donc ?
– S’ils me plaisent ? s’écria Ben-Hur avec animation. Je ne les ai vus qu’un instant, car sitôt que Messala est apparu sur la piste je n’ai plus eu d’yeux que pour lui, mais cet instant m’a suffi, pour savoir qu’ils appartiennent à cette race qui est la merveille et la gloire du désert. Je n’en avais vu des spécimens que dans les écuries de César, mais en avoir vu une fois c’est les reconnaître partout. Si ce qu’on dit de ces chevaux n’est point exagéré, et si je parviens à m’en rendre maître, je…
– Je gagnerai les sesterces, interrompit Malluch en riant.
– Non, répondit Ben-Hur, sans hésiter, je ferai ce qui siéra bien mieux à un homme né dans l’héritage de Jacob – j’humilierai mon ennemi, en face de la foule. Mais nous perdons notre temps, ajouta-t-il avec impatience. Comment ferons-nous pour gagner les tentes du cheik le plus vite possible ?
Malluch réfléchit un moment.
– Le mieux est que nous nous rendions tout droit au village, qui est heureusement tout près d’ici ; si nous pouvons trouver à louer deux chameaux d’allure rapide, nous ne serons qu’une heure en route.
– Mettons-nous donc à leur recherche.
Le village n’était qu’une succession de palais entourés de beaux jardins, parmi lesquels se trouvaient aussi quelques caravansérails princiers. Les deux amis se procurèrent facilement des chameaux et se mirent en route pour le fameux Jardin des Palmes.
CHAPITRE XX
La contrée qui s’étendait au delà du village était ondulée et parfaitement cultivée ; elle servait de jardin potager à la ville d’Antioche, et l’on n’y aurait pas trouvé un pouce de terrain qui ne fût labouré et ensemencé. Des terrasses s’étageaient aux flancs rocailleux des collines. Les haies, formées de ceps de vigne, non contentes d’ombrager les voyageurs, leur promettaient les trésors de leurs grappes mûres. Les maisons blanches des paysans émergeaient de bosquets d’abricotiers, de figuiers, d’orangers et de citronniers, et partout l’Abondance, la souriante fille de la Paix, signalait sa présence en ces parages bénis. De temps à autre, on apercevait à l’horizon les hauteurs du Taurus et du Liban, entre lesquels serpentait l’Oronte.
Bientôt les deux compagnons de voyage atteignirent les bords du fleuve, dont la route suivait les contours, passant tantôt en des endroits plats, tantôt dans de fraîches vallées, au fond desquelles se cachaient des maisons de campagne. Tandis que sur le sol s’étendait, comme un manteau, la verdure éclatante des sycomores, des chênes et des myrtes, la rivière était baignée dans la lumière dorée du soleil. On aurait pu croire ses eaux immobiles, sans l’affluence de bateaux qui la sillonnaient ; les uns se laissaient descendre au fil de l’eau ; d’autres tendaient leurs voiles à la brise ou s’avançaient à force de rames. Les voyageurs se trouvèrent bientôt au bord d’un lac, formé par un affluent de l’Oronte. Un palmier de haute venue s’élevait à l’endroit où le lac se déversait dans la rivière. Au moment où la route contournait son tronc séculaire, Malluch joignit les mains et s’écria :
– Regarde, regarde ! Voici le jardin des Palmes !
Nulle part, si ce n’est dans quelques oasis de l’Arabie, ou dans les fermes des Ptolémées, au bord du Nil, on n’aurait pu jouir d’un spectacle pareil à celui qui s’offrait aux yeux de Ben-Hur. Devant lui se déroulait une plaine sans limites. Un frais gazon, le plus rare et le plus merveilleux produit de la terre, en Syrie, recouvrait le sol ; on voyait le ciel bleu pâle, au travers d’un entrecroisement de grandes palmes. D’innombrables dattiers,
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