Ben-Hur
vite que tu croiras entendre mugir à tes oreilles les vagues du golfe d’Akaba, et il ira partout où tu lui ordonneras de te conduire, fût-ce jusque devant la gueule du lion, si tu avais assez de courage pour t’y exposer.
On venait d’apporter les harnais et le joug. Ben-Hur les leur mit lui-même, puis les fit sortir de la tente.
– Maintenant, dit-il, amenez-moi Sirius.
Un Arabe n’aurait pu s’élancer sur le dos du cheval avec plus de légèreté que lui.
– Les rênes, à présent.
On les lui tendit toutes les quatre, en ayant soin de ne pas les emmêler.
– Je suis prêt, bon cheik. Envoie un guide devant moi, afin qu’il m’indique le champ où je pourrai les entraîner, et que quelques hommes y apportent de l’eau.
Les chevaux ne firent aucune difficulté pour partir. Ils n’étaient point effrayés, ils semblaient comprendre déjà leur nouveau conducteur, et celui-ci s’acquittait de sa tâche avec le calme qui commande la confiance. Ils marchaient de front comme s’ils eussent été attelés, seulement Ben-Hur, au lieu d’être debout sur un char, se tenait à cheval sur Sirius. Ilderim s’animait ; il caressait sa longue barbe, en murmurant avec un sourire de satisfaction : « Ce n’est pas un Romain, non ! ce n’en est pas un ! » Il suivait Ben-Hur à pied et tous les habitants du douar, hommes, femmes et enfants, couraient après lui, car ils partageaient sa sollicitude, si ce n’est sa confiance. Le champ où ils s’arrêtèrent était vaste et parfaitement adapté au but auquel il allait servir. Ben-Hur le fit d’abord parcourir à ses chevaux en droite ligne, puis ils tournèrent tout autour au pas, ensuite d’une allure toujours plus accélérée. Au bout d’une heure ils décrivaient au grand galop des cercles de plus en plus petits, ils faisaient des voltes à gauche et à droite, ils obéissaient aux moindres volontés de leur conducteur.
– Le plus difficile est fait, s’écria celui-ci, en les arrêtant tout à coup, il ne reste qu’à les entraîner convenablement. Je te félicite, cheik Ilderim, de posséder des serviteurs semblables. Regarde, continua-t-il en mettant pied à terre et en allant de l’un à l’autre des chevaux, leur manteau est aussi brillant, leur respiration aussi facile qu’il y a une heure. Je te félicite, il faudrait des circonstances bien contraires pour que la victoire ne soit pas à nous avec la…
Il s’interrompit brusquement et s’inclina très bas ; il venait d’apercevoir Balthasar, appuyé sur son bâton, et, à côté de lui, deux femmes voilées. Il reconnut bien vite l’une d’elles. – C’est l’Égyptienne ! se dit-il en tressaillant.
– La victoire sera à nous et la vengeance aussi, fit Ilderim avec exaltation. Je n’ai plus peur, je suis dans la joie, tu es mon homme, fils d’Arrius. Que la fin de ton entraînement soit semblable à ses débuts, et tu sauras de quoi est capable un cheik arabe, qui possède de quoi récompenser ceux qui le servent.
– Je te remercie, bon cheik, répondit Ben-Hur modestement. Que tes serviteurs apportent de l’eau pour les chevaux.
Il leur donna à boire, puis il reprit sa place sur le dos de Sirius et recommença à les faire aller, au trot d’abord, puis toujours plus vite. Ceux qui assistaient à ces exercices y prenaient un intérêt croissant ; ils applaudissaient celui qui maniait les rênes avec tant de dextérité et ils admiraient les nobles bêtes, qui dévoraient l’espace avec une grâce parfaite et sans effort apparent. On aurait tout aussi bien pu songer à plaindre les hirondelles, quand elles regagnent, vers le soir, leurs nids à tire-d’aile.
Au moment où l’attention générale était fixée sur les chevaux, Malluch parut, cherchant le cheik.
– J’ai un message pour toi, ô cheik, lui dit-il, profitant d’un moment où Ilderim seul pouvait l’entendre, un message de Simonide, le marchand.
– Simonide ! s’écria l’Arabe. Ah ! c’est bien. Qu’Abaddon emporte tous ses ennemis !
– Il m’a commandé de te saluer de sa part, continua Malluch, et il m’a donné pour toi ces dépêches, que je dois te remettre, avec prière de les lire sans aucun délai.
Ilderim brisa le cachet, puis il tira d’une enveloppe de toile fine deux lettres, et se mit en devoir de les lire.
N° 1.
« Simonide, au cheik Ilderim.
» Ô mon ami, sois assuré que tu as une place au plus profond de mon
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