Ben-Hur
et assista avec une satisfaction évidente à leurs évolutions ; il remarquait surtout, avec un vif plaisir, l’ensemble parfait de leurs mouvements et l’égalité de leur allure, lorsque leur conducteur les amenait à donner toute leur vitesse.
– Cet après-midi, ô cheik, je te rendrai Sirius, dit Ben-Hur en caressant le cou du vieux cheval. Je te le rendrai et prendrai le char à sa place.
– Déjà ? s’écria Ilderim.
– Avec des chevaux comme les tiens, bon cheik, on obtient en un jour des résultats surprenants. Ils n’ont pas peur de moi, ils ont l’intelligence d’un homme et ils aiment l’exercice. Celui-ci, – il secouait les rênes du plus jeune des quatre étalons, – Aldébaran, je crois, est le plus rapide ; seul, il dépasserait au premier tour tous ses camarades, de deux fois sa longueur.
Ilderim caressait sa barbe en clignant des yeux.
– Aldébaran est le plus rapide, dis-tu, lequel arriverait le dernier, à ton avis ?
– Celui-ci, – Ben-Hur désignait Antarès, – mais sois tranquille, il ne se laissera pas distancer, je lui ferai donner chaque jour toute sa vitesse et au moment voulu, il égalera les trois autres. Je ne crains qu’une chose, cheik.
Le vieillard le regardait d’un air attentif.
– Dans sa soif de triomphe, un Romain ne saurait garder l’honneur sauf. Ils sont tous les mêmes, crois-moi, – leurs tricheries sont infinies ; dans les courses de char, leur fourberie s’étend à tout, du conducteur aux chevaux, des chevaux à leur propriétaire ; aussi, cheik, veille bien sur ce que tu possèdes, et d’ici au jour des courses ne permets pas qu’un étranger jette un coup d’œil sur tes chevaux. J’irai plus loin et je te dirai : fais-les garder jour et nuit par des hommes armés, ce n’est qu’à ce prix que je pourrai me sentir certain du résultat de la lutte.
– Ce que tu me conseilles sera exécuté. Par la splendeur de Dieu, je te jure qu’aucune main autre que celle de mes fidèles serviteurs ne les touchera et que ce soir je mettrai des gardes à la porte de la tente, dit Ilderim, lorsqu’ils eurent quitté leurs montures. Mais, fils d’Arrius, ajouta-t-il, vois ce que je viens de recevoir et aide-moi à déchiffrer ce latin.
Il avait pris le pli caché dans sa ceinture et le tendit à Ben-Hur.
– Tiens, lis cette lettre à haute voix, en me traduisant son contenu dans la langue de tes pères : le latin est une abomination.
Ben-Hur prit la lettre d’un air de bonne humeur, mais après avoir lu la suscription : « Messala à Gratien, » il s’arrêta et changea de contenance. Tout son sang semblait se précipiter vers son cœur. Son agitation n’échappa pas à Ilderim, qui lui dit :
– Continue, je t’écoute.
Ben-Hur s’excusa, puis il fit un violent effort pour recouvrer son sang-froid et reprit sa lecture. Quand il fut arrivé à ces mots : « Je mentionne, toujours en procédant par ordre, le fait que tu disposas des différents membres de la famille des Hur…, » il s’arrêta de nouveau pour reprendre haleine, il poursuivit cependant, mais la fin de la phrase lui fit tomber la lettre des mains.
– Elles sont mortes, mortes ! se disait-il, et je suis désormais seul au monde !
Le cheik le considérait avec sympathie ; il devinait que le contenu de cette lettre le faisait souffrir.
– Fils d’Arrius, lui dit-il, achève seul ta lecture et quand tu te sentiras de force à me la communiquer, tu me feras appeler.
Il se leva et sortit, sans se douter qu’il n’avait jamais accompli une meilleure action.
À peine seul, Ben-Hur se jeta sur le divan et donna libre cours à sa douleur. Quand il se fut un peu calmé, il se rappela qu’il n’avait pas vu la fin de la lettre ; il la ramassa donc et reprit sa lecture… » Je ne résiste pas au désir de te demander si elles sont mortes ou vivantes… » Ben-Hur tressaillit, il relut ces paroles plusieurs fois de suite et poussa enfin une exclamation de joie.
– Il n’est pas bien sûr qu’elles soient mortes ! Béni soit le Seigneur, je puis avoir encore de l’espoir !
Il termina la phrase et alla, bravement, jusqu’au bout de la lettre, après quoi il appela le cheik.
– Lorsque j’arrivai à la porte de ta tente hospitalière, ô cheik, commença-t-il avec calme, quand l’Arabe eut repris sa place, mon intention n’était pas de te parler de moi, si ce n’est pour t’assurer que
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