Berlin 36
colossale puisqu’il a légué à un musée de San Francisco une collection d’art asiatique estimée à plus de 70 millions de dollars. Un comble pour ce puritain qui prônait la morale et la discipline et exploitait les athlètes pour renflouer les caisses de son association !
Te souviens-tu de Pierre Gemayel, ce Libanais que j’ai rencontré au Quasimodo et qui me faisait lire ses articles ? J’ai appris par la presse qu’il est devenu un homme politique important dans son pays (il a été ministre et député, je crois) et que, depuis 1975, les Phalanges qu’il a fondées à son retour des Jeux sont engagées dans la défense du Liban. Que de chemin parcouru par le jeune idéaliste qui rêvait autrefois d’homologuer la Fédération libanaise de football !
J’ai appris avec tristesse le décès de Jesse Owens, survenu le 31 mars 1980. Il n’avait que soixante-six ans. A Chicago, tous les drapeaux des édifices publics ont été mis en berne. Owens parti, c’est une page de l’histoire qui se tourne. Le fils d’Oakville symbolisait la résistance pacifique à la bêtise humaine, au racisme, à la haine, à la dictature. Il paraît qu’il a rencontré le fils de Luz Long, mort à la guerre – comme d’autres grands champions tels l’Allemand Hans Woellke ou l’Américain Charley Paddock, tué dans un combat aérien au-dessus du Japon. Il lui aurait fait part de son admiration pour son père et de sa reconnaissance pour le geste d’amitié qu’il avait eu à son égard, lors de l’épreuve du saut en longueur… Il y a quelques jours, l’AAU, qui n’a certes plus le même pouvoir qu’autrefois, est finalement revenue sur sa décision de suspendre Jesse Owens en 1936, jugeant qu’il n’avait commis aucune faute. Mieux vaut tard que jamais !
Somme toute, tu n’étais pas le seul à résister à Berlin en 1936. Toi au piano, lui sur la piste, étiez frères, malgré vos différences de nationalité et de couleur. Sans doute l’humilité de Jesse Owens lui a-t-elle interdit, durant sa vie, de se prévaloir de son exploit politique : en tant qu’athlète, il ne revendiquait que ses performances sportives. Mais qu’il le veuille ou non, il aura été le premier à désavouer ce monstre, Hitler, qui a fait basculer le monde dans l’horreur…
Ecris-moi, Oskar, à l’adresse indiquée sur l’enveloppe, et donne-moi de tes nouvelles. Es-tu marié ? As-tu des enfants ? Arrives-tu à jouer du piano malgré les séquelles de la guerre ? Le Quasimodo existe-t-il encore ?
In my solitude, you haunt me
With reveries of days gone by
In my solitude you taunt me
With memories that will not die…
Te souviens-tu de ce couplet de Solitude , la chanson de Duke Ellington que tu interprétais si bien ? Je ne l’oublierai jamais ! Même si nos destins se sont séparés, il nous reste en commun la beauté d’une rencontre intense et des souvenirs impérissables. N’est-ce pas Goethe qui affirmait : « Un souvenir d’amour ressemble à l’amour – c’est aussi un bonheur » ?
Bien à toi,
Claire.
Bibliographie
Pour écrire ce roman, je me suis appuyé sur une vaste documentation et un grand nombre d’ouvrages historiques ou de témoignages. J’en citerai les plus importants :
Sur les jeux Olympiques de Berlin
ABGRALL (Fabrice) et THOMAZEAU (François), 1936 : La France à l’épreuve des jeux Olympiques de Berlin , Paris, Alvik éditions, 2006.
BARRY (James P.), The Berlin Olympics, 1936 : Black American Athletes Counter Nazi Propaganda , London, Franklin Watts, 1975.
BLAIZEAU (Jean-Michel), Les Jeux défigurés, Berlin 1936 , Biarritz, Atlantica, 2000, préface de Jacques Goddet.
BROHM (Jean-Marie), 1936 : les jeux Olympiques à Berlin , Paris, André Versaille éditeur, 2008.
CLAY LARGE (David), Nazi games, The Olympics of 1936 , New York, Norton & Company, 2007.
HILTON (Christopher), Hitler’s Olympics , Gloucestershire, Sutton Publishing, 2006.
HOLMES (Judith), Olympiad 1936 ; Blaze of Glory for Hitler’s Reich , New York, Ballantine Book, 1971.
KRÜGER (Arnd) et MURRAY (William), The Nazi Olympics : Sport, Politics and Appeasement in the 1930 , Chicago, University of Illinois Press, 2003.
MANDELL (Richard D.), The Nazi Olympics , New York, Ballantine Books, 1971.
RIPPON (Anton), Hitler’s Olympics , South Yorkshire, Pen & Sword Military, 2006.
WALTERS (Guy), Berlin Games, How Hitler stole the Olympic Dream , London, John Murray, 2006.
Un album
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