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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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se passera dans le stade pendant toute la durée des Jeux, et cela sous tous les angles et selon toutes les perspectives possibles… Et je ne suis même pas certaine que de ces prises de vue sortira quelque chose de réussi !
    Elle poussa un long soupir, puis enchaîna :
    — Ce qui me préoccupe également, c’est de devenir compétente et experte dans chaque discipline pour choisir et éliminer en connaissance de cause. Autrement, il me sera difficile de faire ressortir la dimension poétique, esthétique, la charge dramaturgique de chaque sport.
    — Moi, ce qui me préoccupe, c’est que votre projet sera très probablement une catastrophe financière.
    — Pourquoi dites-vous cela ? La garantie promise par la Tobis 1 suffira. Et puis, la nature même du film allège le budget puisqu’il n’y a ni frais de location de studios, ni cachets de vedettes.
    A court d’arguments, Goebbels revint à la charge :
    — Vous croyez vraiment que le public s’intéressera à un film qui lui montrera les Jeux un an, ou même deux, après qu’ils auront eu lieu ? Et vous voulez faire deux films de suite, de surcroît ? Cette idée ne me plaît pas.
    — Il n’y a pas d’autre solution, répliqua-t-elle. Diviser le film en deux parties est impératif, même si je ne montre que l’essentiel des événements. Le premier volet, avec le prologue en Grèce et les compétitions, s’intitulera : Fest der Völker (Festival des nations), le second, plus poétique : Fest der Schönheit (Festival de la beauté). Le tout aura pour titre : Olympia. Les Dieux du stade.
    Goebbels haussa les épaules. Il ne servait à rien de discuter avec une femme aussi têtue.
    — Comme vous voudrez. Je vous souhaite bien du plaisir et beaucoup de chance dans votre aventure. Je mettrai le Führer au courant de votre projet.
    Leni Riefenstahl le salua d’un hochement de tête et se leva pour prendre congé. Au moment de sortir de la pièce, elle se ravisa et, toisant son interlocuteur, lui demanda :
    — Avez-vous vu le film de Willy Zielke, La Bête d’acier  ?
    — Je ne l’ai pas encore visionné. Si mes souvenirs sont bons, il s’agit d’une commande de la Reichsbahn 2 pour le centième anniversaire de la première ligne à vapeur, n’est-ce pas ?
    — C’est exact. C’est une symphonie grandiose d’images, la plus impressionnante à laquelle j’aie assisté depuis Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein. Mais ces messieurs de la Direction générale des chemins de fer ont décidé d’interdire la diffusion du film et d’en détruire toutes les copies. Ils s’attendaient à un film plaisant, ils ont découvert une oeuvre forte, ce qui, visiblement, leur a déplu.
    — Que voulez-vous que j’y fasse ? fit Goebbels d’un air impuissant.
    — En votre qualité de grand patron de l’industrie du cinéma allemand, vous devriez empêcher au moins la destruction du négatif. Zielke a consacré un an de sa vie à ce film, il y a travaillé avec une passion obsessionnelle. Est-ce ainsi qu’on le récompense ?
    Le ministre eut un sourire énigmatique. D’après ses renseignements, Leni entretenait une liaison secrète avec Zielke. En prenant sa défense, plaidait-elle pour l’amant ou pour l’artiste ? L’idée de taquiner la jeune femme lui traversa l’esprit.
    — L’erreur incombe à la direction de la Reichsbahn. A-t-on idée de confier pareil projet à un metteur en scène révolutionnaire comme Zielke, au lieu d’engager un réalisateur plus conventionnel ? Avant d’intervenir en faveur du film, il me faut le voir. Seriez-vous d’accord pour assister avec moi à une projection privée ?
    — Avec plaisir, répliqua Leni sans hésiter. Je tiens absolument à sauver ce film !
    Goebbels exulta. Donner à la cinéaste de faux espoirs lui procurait une grande jouissance.
     
    Quelques jours plus tard, le secrétaire de Goebbels informa Leni que le ministre lui donnait rendez-vous dans l’après-midi pour visionner La Bête d’acier . Elle s’habilla, troqua sa jupe contre un pantalon pour éloigner les tentations, et se présenta à l’ancien palais du prince Karl sur la Wilhelmsplatz. A sa grande surprise, Goebbels n’avait invité personne à l’exception d’une jeune actrice tchèque vêtue d’une robe échancrée qui révélait le galbe de ses seins. Le ministre offrit du champagne, puis proposa aux deux jeunes femmes de gagner la vaste salle qu’il réservait aux projections privées.

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