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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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interrogea le chevalier.
    – Est-il une autre expression plus juste ? Croyez-vous que je n’aie pas tout compris la nuit où, sur mon désir, vous êtes venu dans les catacombes de Rome m’apprendre ce que j’ignorais : que César Borgia vous offrait une situation ? J’ai su que vous étiez pauvre et j’ai su aussi que le fils du pape vous réservait toute sa faveur. Il ne tenait qu’à vous d’accepter ces offres brillantes ; de pauvre, vous deveniez riche ! Et je connais plus d’un gentilhomme romain, j’entends des plus en renom, qui eussent considéré comme une fortune inespérée de se trouver dans la situation où vous vous étiez placé du premier coup… Chevalier, vous avez renoncé à la fortune et aux honneurs, vous vous êtes attiré la haine mortelle des Borgia, vous avez encouru une effroyable condamnation, et tout cela pour ne pas être mon ennemi… Je cherche en vain les mots qui pourraient vous dire ma reconnaissance…
    – Madame, dit Ragastens, si vraiment, en agissant selon ce que je croyais être l’honneur j’ai accompli un sacrifice, j’en suis trop payé par ce que vous venez de me dire.
    – Enfin, continua Primevère, vous avez sauvé mon père. Je me croirais indigne de votre générosité si je ne vous parlais avec franchise. Le comte Alma trahissait les siens… Vous avez évité au nom que je porte une tache ineffaçable…
    – Au nom que vous portez, madame ? interrompit Ragastens avec émotion.
    Primevère tressaillit. Elle comprit le sens caché de la question.
    – Au nom que je portais ! murmura-t-elle en pâlissant.
    Puis aussitôt, elle poursuivit avec dignité :
    – D’ailleurs, monsieur, c’est toujours le même nom… Vous ignorez sans doute que les Manfredi et les Alma sont même famille. Les deux branches eussent été également marquées d’une profonde entaille par… le départ définitif du comte Alma… Vous avez encore risqué votre vie pour nous épargner une honte et une douleur.
    Elle se tut comme si, brusquement, trop d’émotion l’eût oppressée.
    – Madame, dit alors Ragastens, en quittant le service des Borgia, en ramenant le comte Alma dans sa capitale, en employant le peu que je suis à vous éviter, fût-ce l’ombre d’un chagrin, je n’ai fait que tenir ma parole…
    – Expliquez-vous, monsieur.
    – Vous rappelez-vous, madame, le jour où j’eus l’honneur de vous rencontrer dans un bois d’oliviers, près d’un ruisseau ?…
    – Je ne l’ai pas oublié, fit Béatrix en fermant les yeux.
    – En ce cas, peut-être vous souvenez-vous également de ce que je vous dis alors… Je vous dis que, pour vous, j’étais prêt à répandre mon sang dès qu’il en serait besoin, et que je mettais ma vie à votre service… Vous le voyez, madame, je n’avais plus, dès ce moment, le droit d’agir autrement.
    Il y eut ainsi une minute de silence qui fut pour elle plein de mystérieux émoi, et pour lui, plein d’amertume.
    « Oh ! songea-t-il, désespéré, si elle m’aimait comme me l’a dit Jean Malatesta, me parlerait-elle si froidement ?… Elle accepte le sacrifice de ma vie et croit sans doute faire beaucoup pour moi en me remerciant… »
    Cependant, Primevère s’était remise.
    – Je ne voulais pas seulement vous remercier, monsieur, reprit-elle. Je voulais aussi vous demander… si toutefois vous voulez bien me les dire… vos intentions actuelles… Mon père vous a nommé, je crois, son maître de camp ?… Vous avez refusé cet emploi ?…
    – Oui, madame.
    – Il est certain que vous êtes beaucoup trop au-dessus de la fonction…
    – Ce n’est pas cela, madame. L’emploi de maître de camp est honorable et on peut s’y distinguer. Il serait plutôt au-dessus de ce que je pouvais espérer…
    – Pourquoi ne pas l’accepter, alors ? fit Primevère avec plus de vivacité. Oh ! Je vous en supplie, monsieur, ne me croyez pas ingrate au point de supposer que je considérerai cette charge comme une preuve suffisante de ma reconnaissance… Mais, dans votre acceptation, je verrais la preuve que… vous voulez bien rester près de nous… que votre vaillance et votre épée ne nous feront pas défaut dans la terrible extrémité où nous allons nous trouver… et enfin… que nous sommes toujours… amis…
    Primevère prononça ces derniers mots d’une voix si basse et si tremblante que Ragastens les devina plutôt qu’il ne les entendit. Un vertige soudain le saisit. Il fut

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