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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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dit alors Primevère après une minute de silence pendant laquelle elle s’efforça de reprendre tout son sang-froid… Au moment où Jean Malatesta fit à l’assemblée la proposition que vous savez, je me rendis compte qu’un certain nombre des nôtres, hésitants, peut-être effrayés de la lutte qui commence, n’attendaient qu’un prétexte sérieux pour se retirer…
    – C’est malheureusement vrai ! fit le prince.
    – Ce prétexte était tout trouvé si je ne me soumettais pas ! Dans cette seconde, qui a été pour moi un siècle d’angoisse, j’ai compris que tout le succès de notre entreprise dépendait du mot que j’allais prononcer… Il ne me fallait pas seulement désigner un guerrier ; il me fallait aussi choisir un époux… Je résolus de me sacrifier…
    – Le mot est cruel pour moi, madame !
    – La situation était plus cruelle encore pour moi… Jean Malatesta m’aime… Et je ne l’aime pas. J’ai pour lui l’affection fraternelle que j’ai pour tous nos amis. Mais je ne puis envisager sans terreur la pensée que je deviendrais sa femme… J’en dirai autant pour les jeunes seigneurs qui m’ont laissé deviner des sentiments que je ne partage point…
    – Ainsi, dit le prince, qui ne put dissimuler sa satisfaction, parmi tous ceux qui assistaient à l’assemblée, il n’en est aucun que vous aimiez ?… Vous me le jurez ?
    – Je vous le jure. Mais en est-il besoin ? N’aurais-je pas choisi pour époux celui que mon cœur eût souhaité, si un seul d’entre ces jeunes seigneurs m’eût inspiré un autre sentiment que celui de l’estime et de l’affection ?
    – C’est vrai. Pardonnez-moi, Béatrix. Mais le choix que vous avez fait de moi m’a bouleversé au point que je raisonne comme un jeune homme qui craint tout pour son bonheur. Mais continuez mon enfant…
    – Placée dans la cruelle alternative que vous savez, j’ai tout à coup songé à vous, prince ! À vous, qui m’appeliez votre fille !
    Le prince Manfredi étouffa un soupir.
    – Je comprends, dit-il amèrement, vous avez épousé le nom… Quant à l’homme…
    – Prince, interrompit Primevère, vous vous trompez… Mais laissez-moi finir. Sur la première minute, je fus très heureuse de devenir votre femme… Mais l’exaltation du danger tomba. Et alors, je me trouvai en présence du fait qui s’était accompli en dehors de ma volonté…
    Le vieux Manfredi fit un mouvement.
    – Oh ! laissez-moi aller jusqu’au bout, dit-elle. Je ne pourrais plus reprendre une semblable conversation… Mon cœur se brise à la pensée de l’injuste chagrin qui vous est fait… Trois mois, prince, je vous demande trois mois… Supposez que vous m’avez demandée et que je me suis accordée à vous !… Ma demande n’a rien de blessant, car je vous jure que je n’ai aucune pensée d’aversion contre vous… Et puis, prince, n’est-ce pas là aussi une légitime satisfaction qu’il faut accorder à mon père ?
    – Oui ! fit le prince, frappé de ce raisonnement.
    – Mon père a ratifié notre mariage. Mais n’est-il pas vrai qu’en agissant ainsi, il a fait contre mauvaise fortune bon cœur, et qu’il a dû accepter un événement qui s’était accompli sans lui ?…
    – Arrêtez, Béatrix ! s’écria le vieux Manfredi. N’en dites pas plus long : ce serait m’offenser que de me juger capable de ne pas vous comprendre. Tout ce que vous venez de dire est d’une sagesse qui ne devrait pas m’étonner chez vous mais que je ne puis m’empêcher d’admirer.
    – Comme vous êtes bon !…
    – Juste, seulement !… Plus un mot sur ce sujet, Béatrix… Maintenant, prenez ma main, mon enfant… ma fiancée… je vous conduis dans votre appartement…
    – Non, prince… Je désire encore demeurer seule, ici, en tête-à-tête avec mes pensées…
    – Cependant…
    – Qu’ai-je à craindre ?… Maintes fois, il m’est arrivé de rester ici de longues heures dans la nuit.
    – Qu’il soit fait comme vous le désirez ! dit le prince en s’inclinant. Puis, lentement, il s’éloigna.
    Debout, Primevère regarda la haute silhouette du prince s’enfoncer dans l’obscurité. Quand il eut disparu, elle reprit la place qu’elle occupait sur le banc de granit. Et il lui sembla alors qu’elle était délivrée d’une poignante angoisse et qu’elle renaissait à la vie.

XLV – LA LÉGENDE DU DÉFILÉ ET DU ROCHER DE LA TÊTE
 
    Cette nuit-là fut affreuse

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