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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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la soudaine intervention de Ragastens ; le coup de poignard que lui, Garconio, avait reçu en attaquant vaillamment ce démon ; la lutte de Ragastens et du baron Astorre et enfin le départ du comte Alma que Ragastens avait entraîné.
    Le pape était blanc de fureur. Quant à César, il sentait monter en lui la colère.
    – Imbéciles ! gronda-t-il. Lâches !…
    Il allait se précipiter sur le moine et, sans doute, achever ce que Spadacape avait si bien commencé ; mais le vieux Borgia le retint.
    – Ne vois-tu pas, lui murmura-t-il, la haine qui les anime tous deux contre ce Ragastens ? Crois-moi, ils feront pour nous venger plus peut-être que nous-mêmes.
    Le raisonnement frappa César.
    – Allez, reprit le pape. Allez vous reposer, baron, et vous, Garconio, comptez sur ma gratitude. Vous n’avez pas réussi : mais tout n’est pas fini.
    Le baron et le moine, heureux d’en être quittes à si bon compte, s’empressèrent de sortir.
    – Qu’en penses-tu ? demanda le vieux Borgia à César.
    – Je pense que cet homme est le mauvais génie de notre maison.

XLIII – LA GLOIRE DES BORGIA
 
    Pendant toute cette scène, Lucrèce n’avait rien dit. Elle souriait vaguement, songeant à des choses qui l’eussent fait poignarder par César séance tenante, si celui-ci eût pu lire dans la pensée de sa sœur. Quant au vieux Borgia, après le premier moment de fureur, il demeurait morne et abattu. Son plan échouait. Le comte Alma, rentré à Monteforte, échapperait maintenant à toute tentation.
    – Rien ne me réussit depuis quelque temps ! murmura-t-il avec accablement. Ah ! Mes enfants, je sens que c’est la fin. L’ambition de ma jeunesse, l’œuvre de mon âge mûr, les espoirs de ma vieillesse, tout se brise et s’en va.
    – Que dites-vous, mon père ?… Nous sommes là pour continuer votre œuvre et la consolider…
    – César ! continua le pape avec une exaltation dont il donnait bien rarement le spectacle. César, hâte-toi, avant que je ne meure !… Si tu n’es pas roi dès cette année, si tu n’arrives pas à mettre sur ta tête la couronne de fer, c’en est fait des Borgia ! Et mon œuvre mourra en même temps que moi !… Hâte-toi ! Je te dis qu’il est temps.
    César et Lucrèce étaient livides. Pour la première fois, leur père leur parlait aussi nettement de ses projets. Pour la première fois, ils entrevoyaient ce qu’il y avait de grandeur tragique dans la pensée du vieillard.
    Ainsi donc, il avait fait ce rêve de fonder une dynastie des Borgia. Ainsi donc il avait fait ce rêve de placer l’Italie sous le sceptre de son fils, avant de mourir !…
    D’un rapide regard imaginaire, César étudia ce qui restait debout en Italie… Et il se vit seul… Seul, dépassant tous les autres de la tête ! Seul, dominant Rome et les Romagnes, émergeant pour ainsi dire des hécatombes sanglantes, tout désigné pour la couronne – ou pour l’assassinat ! Il comprit !…
    Son père avait fait le vide autour de lui ! Son père avait même supprimé François pour qu’il fût seul, pour qu’aucune puissance ne pût s’élever en face de la sienne, pour qu’il pût être roi ! Lucrèce aussi avait compris. Et, songeuse, la physionomie fermée, elle murmura :
    – Nous verrons qui sera roi !…
    Car elle aussi voulait le pouvoir. Et elle le voulait pour elle seule ! Elle aussi voulait créer un royaume, tirer un homme de son néant de pauvreté pour le faire roi, pour être reine !
    Quant à César, une flamme d’orgueil empourpra son visage.
    – Que faut-il faire, mon père ? s’écria-t-il enfiévré, ivre de sa future puissance absolue. Parlez ! Ordonnez !
    – Ce qu’il faut faire ! dit le vieux Borgia. D’abord être vainqueur !
    – Je le serai !
    – T’emparer de ce nid de vipères : Monteforte.
    – Je m’en emparerai !
    – Raser la vieille forteresse, détruire le comté des Alma, brûler leurs villages, ravager leurs champs, clouer la tête d’Alma à la croix que tu élèveras sur les ruines de sa capitale, faire enfin un prodigieux exemple, empoisonner de terreur l’Italie entière. La prise du pouvoir par un Borgia, qui le transmettra à ses enfants avec mission d’agrandir le patrimoine que moi, Rodrigue, je leur aurai légué, jusqu’au jour où le monde sera le royaume des Borgia !…
    Affolé par les visions grandioses que le pape évoquait, César s’écria :
    – Cet exemple, je le ferai, mon

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