Borgia
mariage…
– Bien, mon enfant… Et alors ?…
– Un mariage… sans faste… sans bruit… La fiancée… par caprice… désire que ce mariage soit consommé la nuit…
– C’est vous le fiancé ?…
– Oui, mon révérend.
– Et la fiancée… qui est-ce ?…
– Vous saurez les noms au moment nécessaire…
– Bien, bien… mon enfant… Et vous désirez que ce mariage se fasse la nuit ?… Peut-être voulez-vous qu’il demeure secret ? Vous pouvez tout me confier, mon fils…
– Eh bien, oui, digne père… Il faut que cette union demeure secrète…
– Nous avons une messe à une heure de la nuit… une autre à deux heures…
– Celle-ci me convient…
– C’est très bien… Et, pour quand ?
– Cette nuit, mon père ! Y voyez-vous un inconvénient ?
– Aucun, aucun ! Soyez ici cette nuit, à deux heures, avec votre fiancée et vos témoins… et je vous unirai.
Raphaël remercia le moine et s’élança au-dehors. Quant au révérend, il attendit que le jeune homme eût disparu, puis se dirigea vivement vers la sacristie. Là, un vieux prêtre mettait en ordre une armoire.
– Fra Domenico, dit le moine, vous allez rentrer chez vous.
Le prêtre leva un regard surpris sur le révérend.
–… Car vous êtes malade, continua celui-ci.
– Je suis malade, dom Garconio ?…
– Oui ! Jusqu’à demain ! Vous m’entendez ? reprit le moine d’un ton d’autorité.
Le prêtre s’inclina humblement.
– Que votre volonté soit faite, dom Garconio !
– Dès le matin, vous pourrez revenir à l’église. Jusque-là, croyez-moi, gardez le lit…
Le prêtre soupira, remit au moine la clef de l’église et s’éloigna. À son tour, le moine sortit, ferma à clef la porte de la petite église et, en toute hâte, prit le chemin du Vatican…
– Il est une heure… Gens de la ville, dormez en paix !…
Le veilleur de nuit venait jeter ce cri à l’entrée du Ghetto… sans y entrer.
Dans le sombre logis de la Maga, Raphaël Sanzio et Rosita, la petite Fornarina, sa fiancée, venaient de faire leurs adieux à la vieille sorcière. Calme et presque indifférente, en apparence, la Maga consolait d’une caresse la Fornarina qui pleurait dans ses bras…
– Mère, suppliait celle-ci, venez avec nous…
– Il faut que je reste ! répondit la sorcière d’une voix ferme. Plus tard, je vous rejoindrai… peut-être ! Mais maintenant, ma tâche n’est pas terminée…
– Vous ferez selon votre volonté, Maga, dit Raphaël d’une voix émue.
– Mère ! Comment vais-je vivre, loin de vous ? reprit à son tour la Fornarina.
– Allez, enfants ! fit-elle. Voici l’heure !…
– Un dernier mot ! dit Raphaël. N’oubliez pas que vous avez promis de me faire savoir quels ennemis menaçaient Rosita… et qui est son père !
– Oui, vous le saurez… mais quand il sera temps… Pour le moment, fuyez Rome au plus tôt…
– La chaise de poste nous attend… Dans peu de jours, nous serons à Florence…
– Alors, seulement, je respirerai… Allez… il est temps…
La Maga étreignit Rosita sur son sein. Puis, précipitamment, elle se retira dans la pièce voisine – la chambre qu’avait habitée la Fornarina – en larmes.
Demeurée seule, la Maga s’accroupit selon son habitude, la tête sur les genoux : une immense douleur bouleversait ses traits.
Raphaël et Rosita avaient rapidement franchi l’espace qui les séparait de l’église des Anges. Il allait être deux heures lorsqu’ils atteignirent la chapelle.
Au fond de la nef, une chapelle latérale brillait faiblement, éclairée par la lueur de deux cierges. Les témoins, des jeunes gens amis de Machiavel et de Sanzio, attendaient… Un prêtre, accompagné d’un enfant de chœur, sortit de la sacristie.
La messe fut dite. Les anneaux s’échangèrent. Lorsque ce fut fini, Machiavel s’approcha de Sanzio :
– La voiture attend près de la porte Florentine, en dehors des murs… je cours devant pour faire ouvrir la porte… Hâte-toi…
Le jeune homme disparut. Sanzio et Rosita sortirent de l’église. Les trois autres témoins s’approchèrent, saluèrent la nouvelle épousée et se hâtèrent de s’éloigner.
Raphaël et la Fornarina demeurèrent seuls. Puis ils se mirent en route, à pas pressés, vers la porte Florentine, et s’engagèrent dans une rue étroite et tortueuse.
Soudain, autour d’eux, surgirent une quinzaine d’ombres
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