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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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gens ?
    – Madame, je vous crois capable des plus grandes choses, voilà tout. Je pense donc que si un obstacle se dresse sur le chemin que vous avez décidé de parcourir, et que cet obstacle soit une existence humaine, vous êtes de ces esprits supérieurs qui, comme les météores en feu, brûlent tout sur leur passage…
    Comme tout à l’heure, la voix de Ragastens vibra singulièrement. Lucrèce tressaillit et comprit que l’indomptable chevalier ne capitulerait pas plus sur ce terrain que sur les autres.
    En fait Ragastens lui disait en face qu’il la tenait pour empoisonneuse. Et elle acceptait la formidable accusation comme un compliment. Au fond de lui-même, Ragastens était épouvanté du sourire qu’il voyait aux lèvres de Lucrèce.
    – Voyons, dit celle-ci, expliquez-moi maintenant comment vous êtes sorti de votre cellule et comment je vous ai trouvé, vous en allant, l’air le plus simple du monde, avec la toque, le manteau et l’épée de mon frère…
    Ragastens avait résolu de procéder par coups de boutoir. Dans l’étrange et périlleuse situation où il se trouvait, la brutalité lui donnait une arme de défense.
    – Bien simple, madame, répondit-il avec une naïveté de physionomie que Lucrèce admira. Monsieur votre frère est venu me proposer une infamie : il m’offrait la liberté, moyennant quoi je devais lui révéler la pensée secrète d’une femme au cas où j’eusse connu cette pensée.
    – Quelle est cette femme ?
    – Béatrix, fille de la comtesse Alma, récemment assassinée.
    – Et alors ?…
    – Alors, madame, j’ai attendu que Monseigneur César exaspéré de colère par mes réponses, se jetât sur moi pour me tuer… La chose n’a pas manqué d’arriver. J’ai saisi monsieur votre frère, je l’ai quelque peu étouffé pour le mettre hors d’état de résister, je l’ai enchaîné à ma place, et je suis sorti.
    – Vous avez enchaîné César à votre place ?…
    Ragastens fit oui de la tête.
    – Et vous me dites cela… À moi ?…
    – Puisque vous me le demandez, madame ! fit Ragastens en redoublant de naïveté et d’attention.
    Lucrèce pâlit légèrement. Un demi-cercle bleuâtre s’étendit sous sa paupière un peu lourde et ses yeux parurent plus brillants, plus noirs, plus veloutés. Elle se leva et fit quelques pas en étouffant un soupir.
    – Voilà le moment ! pensa Ragastens. Tenons-nous bien… Elle va appeler et me faire poignarder, comme son frère François…
    Lucrèce s’approcha de lui.
    – Savez-vous que c’est prodigieux ce que vous avez fait là ?
    – Vous m’accablez, madame…
    – Non ! Je vous admire…
    – Hé, madame, il s’agissait de ma vie, après tout ! J’en suis fâché pour monseigneur César… mais en ces cas-là, vous savez, on fait comme on peut…
    – Qui vous blâme ?… Je dis que je vous admire… et croyez-le, ce mot-là, je ne l’ai pas prodigué jusqu’ici…
    Ragastens jeta un profond regard sur Lucrèce. Il comprit !
    « Diable ! songea-t-il. L’empoisonneuse se fait ribaude. Si je me laisse endormir, je suis perdu. Dans cinq minutes, il faut que je sois dehors… »
    Lucrèce reprit, d’une voix qui commençait à trembler :
    – Cette femme, chevalier, vous l’aimez ?…
    – Tenez, madame, ne parlons pas de cela, je vous en supplie…
    – Vous l’aimez… mon frère me l’a dit… et puis, je le vois !… Eh bien ! qu’importe… Ou plutôt, si vous la voulez, je vous la donnerai, moi !…
    » Cela vous étonne ?… Je vous étonnerai bien davantage encore… Vous voulez cette femme… je vous la donnerai, vous dis-je ! Ah ! c’est que vous ne savez pas de quoi je suis capable, pour le bonheur de celui que j’aime… Et je vous aime, Ragastens… Aimez-la donc, si bon vous semble, mais aimez-moi, moi aussi… Aime-moi !… Je t’appartiens tout entière…
    – Madame…
    – Aime-moi, Ragastens, aime-moi… Je serai ce que tu voudras… Veux-tu quitter Rome ?… Veux-tu fuir ?… Là-bas, en Méditerranée, sur mon île de Caprera, je possède un château que j’ai fortifié… Nul n’osera venir t’y chercher… Ta Béatrix, je te l’amènerai là… et tu l’aimeras, pourvu que tu m’aimes…
    – Horreur ! Madame, vous me faites horreur…
    – Oui ! Je le sais… Je ne t’en aime que davantage… Ragastens, j’ai soif de ton mépris… Crache-moi au visage, si tu veux, mais aime-moi… Tu ne veux pas

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