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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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hideux et, discrètement, disparut.
     
    Le lendemain de ce jour, Borgia eut une conférence d’un autre genre. C’était dans la même chambre.
    Le pape était assis dans un fauteuil à dossier bas. Il était enveloppé jusqu’au cou dans un vaste manteau de toile blanche qui le recouvrait tout entier. Près de lui, sur une petite table, des flacons de diverses grandeurs, des fers à friser les cheveux, des cosmétiques, tout un attirail de toilette.
    Près de la fenêtre, son abbé favori, Angelo, lisait à haute voix. Autour du fauteuil, un homme svelte allait, venait, saisissait tantôt un flacon, tantôt un fer. Ses doigts agiles couraient sur la figure du vieillard.
    De temps à autre, il lui présentait un miroir de Venise, et le pape, d’un mot, approuvait ou désapprouvait le travail. Cela dura plus d’une heure. Quand ce fut fini, le pape se regarda longuement dans le miroir :
    – C’est bien, dit-il, vous êtes un véritable artiste.
    – Ah ! Si monsieur le comte m’y avait autorisé !… En moins de rien, je l’eusse rajeuni de vingt ans, rien qu’avec ce flacon versé dans ses cheveux…
    – Non ! J’aime mieux mes cheveux blancs. Que diable, je ne suis pas un mignon cherchant aventure ! Il suffit que ces rides importunes soient dissimulées… C’est bien…
    L’« artiste » salua et se retira.
    – Comment me trouves-tu, Angelo ? fit le pape en se levant. L’abbé examina le vieillard avec une attention et un sérieux imperturbables.
    – Je vous trouve une beauté sévère et majestueuse.
    Angelo ne mentait pas.
    Il eut été impossible de reconnaître en Rodrigue Borgia un vieillard de soixante-dix ans. Son œil noir brillait d’un feu sombre sous des sourcils touffus. Les cheveux étaient blancs, mais ils donnaient à son visage une mélancolie qui en adoucissait la dureté. Tel quel, il pouvait passer pour un homme vieilli par les soucis, mais qui a su conserver la beauté forte de l’âge mûr.
    Le valet de chambre entra alors et commença à habiller le pape d’un costume de cavalier en velours violet, sur lequel il jeta un élégant et léger manteau court, en soie violette. Borgia ceignit autour de ses reins une ceinture de soie brochée supportant une fine épée de parade à la poignée somptueuse. Enfin, il posa sur sa tête une toque d’où ses cheveux tombaient avec une certaine grâce austère sur un large col de dentelle.
    Angelo poussa un cri d’admiration sincère. Chez Borgia, la volonté avait vaincu la vieillesse. Il avait voulu paraître digne d’attention ; avec un sens affiné du tact et de la diplomatie, il n’avait pas essayé de se rajeunir ; mais, par les soins minutieux de la toilette, par son costume, par l’effort de son vouloir, il devenait un homme remarquable pour toute femme qui le verrait.
    Il sourit et, faisant de la main un signe d’adieu à son lecteur, il sortit.
    Borgia en se rendant auprès de Rosita n’éprouvait aucun doute sur l’issue de sa démarche. La jeune fille succomberait, sinon le jour même, du moins à bref délai. Il n’était donc nullement troublé, et seule, l’impatience des sens lui donnait parfois un rapide frisson.
    Il entra dans la chambre de la jeune fille et s’arrêta sur le seuil en saluant.
    – Voici monsieur le comte de Faënza qui vient vous faire une visite, dit la matrone qui, aussitôt, s’éclipsa.
    Borgia ferma la porte et s’avança vers la jeune fille.
    – Mon enfant, dit-il, voulez-vous me permettre de causer un moment avec vous ?… J’ai à vous entretenir de choses qui vous intéresseront sûrement…
    Mais Rosita s’était reculée, les yeux grands ouverts par un indicible étonnement, les mains jointes, prête à s’agenouiller. Et elle avait murmuré :
    – Le Pape !… Le Souverain-Pontife !…
    Borgia fut secoué d’un tressaillement furieux. Tout le plan qu’il avait patiemment combiné s’écroulait. Rosita le connaissait ! Rosita le reconnaissait !
    – Vous vous trompez, balbutia-t-il. Je suis simplement le comte de Faënza.
    La jeune fille s’agenouilla.
    – Non, je ne me trompe pas, Saint-Père !… J’ai vu Votre Sainteté à diverses reprises, à la procession de la Miséricorde, à la grand’messe de Pâques, à Saint-Pierre… Oh ! non, Saint-Père !… Vous êtes bien le tout-puissant maître de Rome et du monde, et je suis sauvée, puisque vous voilà !…
    – Je vous assure, mon enfant… Relevez-vous !…
    – Saint-Père !

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